Von Bikräv, Mentalité Hardcore : de Casual Gabberz à 20CONTRE1

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Ambassadeur officiel de la Frapcore et figure emblématique de (feu)Casual Gabberz, Von Bikräv lançait en 2023 son propre label : 20CONTRE1. Intimement lié au rap français depuis toujours et fier représentant de la musique hardcore en France, il dévoilait hier « Cynodrome Volume 01 » , tout premier Various Artists de son jeune label. 

En janvier dernier, tu fêtais les 1 an de ton label 20CONTRE1. C’est une aventure solo qui a commencé quand tu étais encore avec Casual Gabberz. C'est quoi la naissance de ce projet ? 

C’est un projet qui est né de la volonté de sortir plus de tracks. Casual Gabberz, c'était un projet collectif,  et j’étais un peu en recherche de liberté. J’avais envie de faire plue que je veux, sans pour autant me défaire du collectif.

20CONTRE1, c'est l'un des titres du projet 100% Bibi sorti en 2021.  Pourquoi as-tu choisi de reprendre ce nom? 

Ça sonnait bien, j'aimais bien le délire. Tu ne sais pas trop ce que ça évoque, si c'est des paris sportifs, de la bagarre, de la numérologie… Il y a un truc fun. J’avais surtout envie que ça soit basé autour des chiens. Je suis allé dans la DA des paris sportifs canins et des courses de chiens. 

On retrouve déjà pas mal de sorties sur le label. 

Oui, c’est moi qui ai ouvert la danse avec mon premier EP “Tape dans la tête”, puis il y a eu un EP de remix en juin, un single de Goffbaby, un EP de DJ Kamikaze et remix de Noir Fluo. Et là, il y a le sixième projet qui arrive bientôt. C'était le fameux gros boulot qui commençait avant même l'ouverture du label: c'est la compile.

Tu peux nous en dire plus?


C'est un gros various artist avec 16 tracks de 16 artistes différents, voire plus parce qu'il y a des duos présents sur le projet. C'était ce que je voulais faire en ouvrant le label, mais ça a pris beaucoup plus de temps que ce que je pensais. Il a fallu trouver suffisamment de bons tracks, suffisamment de personnes qui ont envie de s'impliquer… 

Construire un various, c’est aussi prendre le temps de faire des retours, de demander des retouches, des fois de mettre la main à la pâte et de filer un coup de main sur un track. Je ne voulais pas que ce soit une compil fourre-tout,  où on va juste mettre plein de monde,  où il n'y a pas de cohérence, avec des tracks un peu bouche-trou … Je voulais que tout soit patate et que tout le monde soit bien dedans. 

Tu t’es tourné vers des artistes que tu connaissais déjà où on va retrouver des nouvelles têtes? 

Il y a des deux, j’ai fait plusieurs appels. Il y a des gens que je connaissais à qui j'ai demandé de m’envoyer une démo, puis j'ai fait des appels sur Instagram. J'ai eu des gens que je ne connaissais pas, des gens dont je n'avais jamais entendu parler, qui m'ont envoyé des tracks trop bien. Et puis après, il y a aussi le bouche-à-oreille, des potes qui ont parlé à d'autres potes… Ça a pris plus d'un an, au final, à la faire cette compilation. 

La définition de Frapcore selon Von Bikräv ? 

C'est du hardcore mélangé avec du rap, tout simplement.  Après, j'ai une vision assez large du truc.  C'est plus une énergie globale que vraiment quelque chose au sens strict … Ça ne s’arrête pas à prendre du rap français et le mettre sur de la hardcore. Ça peut être des samples d'interviews, des voix, un sample musical qui a été pris dans un morceaux de rap puis remis dans du hardcore. Ce n'est pas dans une case.  Je ne suis pas là à défendre ça corps et âme, c'est comme ça et pas autrement. Je ne fais que ça, je ne joue que ça.

Le rap FR a toujours été très présent dans ta musique, dans tes dj-sets et ceux de Casual Gabberz … C'est quoi ton histoire avec le rap ? 

Le rap c'est un amour d'enfance, j’en écoute depuis tout petit. J'ai grandi au Pré-Saint-Gervais, et on écoutait tous les trucs commerciaux de l'époque: IAM, MC Solaar, NTM … Mais en même temps, on n'écoutait pas que ça : il  y avait quand même l'Eurodance qui était là, derrière. Après, quand tu approches de l'adolescence, le rap te galvanise plus que l'Eurodance. Il y a un imaginaire du rap : quand tu es ado, il y a le côté hyper violent qui te stimule quand tu es petit, quand tu es un petit mec de cette époque.

Tu avais un rappeur  de prédilection à cette époque ?

Ça va par vagues. Je me rappelle d’Ärsenik, quand  “Quelques Gouttes Suffisent” est sorti, c'était trop fort. Les instrus, les flows, les textes … c'était vraiment cool. Il y avait aussi toute la vague Secteur A, avec l'écurie trop cool de Stomy Bugsy, Doc Gynéco, Passy ... C’était trop fort à l'époque. Je n'avais pas forcément de rappeur de prédilection parce que je n'avais pas l'argent pour acheter des albums tout le temps. Tu avais un peu ce qu'on te prêtait, les cassettes que tu enregistrais avec les potes, la radio. Non, je n'ai pas été fan hardcore d'un seul gars ou d’une seule meuf.

Incorporer des textes de rap dans ta musique t’as permis de crée une connexion plus forte avec ton public ? 

Oui, quand tu mets des samples en français, ça touche un truc direct à ta langue. Quand tu es français, si en plus tu connais le morceau ou si ça t'évoque des trucs, c'est beaucoup plus fort que de mettre encore un rappeur américain samplé ou un MC hollandais qui rappe en anglais.

Tu écoutes encore du rap aujourd'hui ? 

Oui, j'en écoute mais c'est un peu compliqué, j'avoue. Il y a beaucoup de trucs, pas forcément très bien. Mais en même temps, tous le bien se perd dans le mauvais. Il faut passer beaucoup de temps à écouter pour être satisfait. Il y a un peu un repli vers le vieux catalogue où tu te dis que tu as la flemme de chercher des nouvelles musiques. J'essaie de ne pas m'enfermer dans le passé et de rester connecté avec ce qui se fait, parce qu'il y a toujours des trucs cools. Mais c'est dur. On a tendance à se dire que c'était mieux avant. C'est le pire truc de se dire ça, parce que le rap se renouvelle de fou.  Ce n'est pas que c'était mieux avant. Je dirais que l'industrie est pire maintenant. Il y a une consommation infernale dans tout : le rap, les films, les séries… Il y en a pour tout le monde, mais il y en a un peu trop.  Quand j'étais ado, quand j'avais une musique que je kiffais, j'avais envie de tout connaître. Là, c'est impossible de tout connaître. 

Comment se passent tes collaborations avec les rappeurs ? 

J'ai envie qu'il y ait une véritable collab’, avec un rapport assez intime de prod. En ce moment, je suis en cours de finalisation d'un album avec Sidisid. On se connaît, on communique. S'il n'aime pas quelque chose, on en parle vraiment. Il y a un vrai échange et ça prend vraiment beaucoup de temps de faire ça. 

Casual Gabberz annonçait sa séparation en décembre dernier. Ça a commencé comment cette aventure? 

Moi, je n'étais pas là au tout début. Ça a commencé il y a 10 ans avec Paul, April et Claude Murder qui organisaient des soirées. Je suis arrivé vers 2016, 2017, de fil en aiguille,  j’ai commencé à traîner avec eux et on a fait  du son ensemble. C'est devenu un collectif un peu organiquement. 

Maintenant que c’est fini, qu’est ce que tu retiens de tout ça ? 

Ce que je retiens de Casual Gabberz? C'est déjà des super potes. C’est une aventure humaine. C'est con, mais c'est vrai. Je l'ironise, mais c'est un vrai truc humain qui, moi, m'a fait avancer dans ma vie, m'a fait évoluer, m'a fait rencontrer des nouvelles personnes. Même au niveau de l'engagement politique, le fait d'en parler avec des gens plus impliqués autour de toi, tu te rends compte qu'il y a plein de choses qu'il ne faut pas laisser passer. D'un point de vue politique, je me suis beaucoup plus engagé grâce à ce contact avec des gens vraiment hardcore engagés dans la politique. 

Quand tu dis engagement politique, tu parles de quoi? 

Je parle des manifs par exemple,  on a eu des dingueries ces dix dernières années!  Alors, est-ce que c'est le fait de mettre au contact de ces gens-là, ou c'est le fait que là, c'est juste trop? J'ai des potes qui ont tendance à faire « Vas-y, frère, c'est bon, c'est baisé, c'est comme ça, on se fait niquer…” :  la  politique désemparée. Et l'engagement, c'est justement de ne pas faire ça. Ça commence par ça, d'en parler. Juste de ne pas être content, de te manifester, de dire que tu ne kiffes pas. Tout est fait pour que tu ne puisses pas faire grand-chose. Mais c'est trop facile. Mentalité hardcore. Après, tu ne peux pas être hardcore tout le temps. Quote.

Il y aura un héritage Casual Gabberz ? 

Je pense, j'espère. Ça avait quand même bien marqué. Ce n'est plus à nous de le décider. Mais j'espère qu'on ne nous oubliera pas!  C'est aussi pour ça qu'on a arrêté le label. C'est pour arrêter proprement et pas que ça périme, que ça pourrisse. Plutôt ça se ferme petit à petit par manque d'activité, que ça meurt dans un coin, on s'est dit, “vas-y, arrêtons.” Il y avait aussi les petits projets de chacun à côté … On avait fait le tour en fait. Donc, c'était ça, surtout le truc qui a manifesté l'arrêt du collectif. 

Tu es devenu papa il y a deux ans, ça a changé beaucoup de choses pour toi ? 

Ça change tout, mais ça tu le sais. Ce n'est pas une surprise. Quand tu vas avoir un enfant, tu sais que ça va changer, que tu ne sortiras plus autant. Ça te professionnalise aussi dans ce que tu fais. C'est que là, il y a un futur à assurer, il y a une nouvelle bouche à nourrir. Tu n'acceptes plus des plans un peu à l'arrache, ou même des trucs gratuits, ou partir trois jours dans une ville loin, parce que tu te dis que tu es booké là-bas, je vais chiller un peu, c'est fini. Maintenant, je pars au dernier moment, je reviens le plus tôt possible pour être présent.

C’est compatible avec le métier de DJ? 

Bien sûr, je m’adapte. C'est le premier mois où c'est compliqué parce que tu dors pas beaucoup, mais il y a ma femme aussi qui est là pour me back-up , c'est un travail d'équipe. Du coup, c'est grave compatible. Il y a une sorte de panique au début de “je pourrais plus être DJ si j'ai un gosse”.  C'est pas vrai.

Tu aimes toujours autant aller en club ? 

Le problème quand tu commences à être dans le mix, c’est que tu connais l'envers du décor. C’est moins des lieux de sortie,  c’est devenu des lieux assimilés au taf .  Maintenant, je vais en club quand je joue. Ça fait vraiment longtemps que je suis pas sorti sans mixer.  J’allais beaucoup au Nouveau Casino 'a un moment, au Social Club aussi. Ça dépend de l'âge aussi ! T'as aussi un âge où t'as soif de sortie, tu sors 3 fois par semaine. Là j'ai plus la force. Maintenant mes spots préférés, c’est surtout des spots de bouffe !

Adèle Chaumette