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Sur la scène électronique française, Nantes se distingue par ses collectifs innovants et ses lieux devenus emblématiques, propulsant la ville au rang de référence européenne. Depuis sa fondation en juin 2017 par un trio passionné, Androgyne a façonné le célèbre club de musique électronique Macadam, situé dans le quartier du Bas-Chantenay et a récemment lancé OHM Town, un lieu de vie alliant gastronomie et sound system dernier cri. Ensemble, ces deux acteurs forment un écosystème bouillonnant guidé par une direction artistique audacieuse qui prône une vision de la fête libre et inclusive.
Fondé en juin 2017 par trois amis originaires de Nantes, Androgyne incarne plus que jamais le projet d'Alexis Tenaud et Maxime Durand, également connu sous le nom de Youl. Après avoir établi Macadam, devenu une institution des musiques électroniques en France, le collectif n'a cessé de croître et de se diversifier. Pendant la période de confinement, Androgyne dévoile son label de musique électronique Garde-Robe Records qui compte déjà plusieurs sorties remarquées et plus récemment introduit OHM Town, un espace de vie connecté à Macadam par une terrasse extérieure, où rien n'est laissé au hasard.
De l'exploration berlinoise au rayonnement de la Cité des Ducs
Après avoir exploré tout un temps la fête en Europe et ailleurs, avec l'idée de toujours observer les choses qui ne sont pas forcément si promues, les niches des autres villes, Alexis (Co-fondateur d'Androgyne) évoque cette période : « à partir de 2008-2009, nous avons été extrêmement actifs jusqu’à l'ouverture de Macadam ». En 2012, il s'installe à Berlin pour quelques mois dans le cadre d'un stage. « C’était un énorme prétexte pour découvrir la ville », se souvient-il. « Là-bas, j'ai pu comprendre la notion de déconstruction du propos festif, d'expérimenter la fête longue, de jour, plutôt marginale à ce moment-là ».
De Sisyphos et son esprit circassien, costumé, au sound system millimétré du Panorama Bar en passant par l'intimiste Golden Gate ; le côté hédoniste, le vivier de danseurs et l'initiative du lâcher prise des clubs berlinois ne passent pas inaperçus. « La qualité des dancefloors, c’était vraiment une claque à répétition », poursuit-il. « J'ai trouvé ça bouleversant d'avoir des lieux qui soient des machines à sublimer les choses et un rapport aux horaires complètement distendu qui permet aux organisateurs de positionner l’événement tel qu'ils l'ont imaginé ». De retour en France des idées plein la tête, les soirées organisées par le collectif 75021 à Paris et l’émergence de la Station Gare des Mines en 2016 inspirent et ouvrent de nouvelles perspectives dans l'hexagone. « Autant les lieux me marquent et m'inspirent », ajoute-t-il, « mais c'est surtout quand je vois à quel point les publics sont capables de se livrer dans des lieux, que les lieux se valident ».
« Ce n'est bien que quand il y a l'engagement du public qu'une fête est belle »
Façonnée par ses collectifs, la scène électronique nantaise n'a pas attendu Macadam. Input Selector, Abstrack, Lunacy ou encore Paco Tyson, nombreux sont les crews qui ont éduqué les publics à une forme de disponibilité festive, une connaissance artistique. En 2017, de nouveaux espaces voient le jour dans le paysage nantais. Androgyne récupère une partie de la programmation du Club 25 dans l'est de la ville et fait valoir sa vision de la fête libre et plurielle, à travers une programmation inclusive et underground. Avec Gloria, son célèbre format dominical, le collectif transforme les lieux en temple des musiques électroniques baptisé Macadam.
« On a cherché à créer un rapport physique, thoracique avec le public, à faire vivre le lieu par la cadence et l'engagement »
Incarnation de la fête radicale aux multiples facettes, « Macadam ne prétend pas embrasser toutes les esthétiques musicales existantes », comme l'explique Mado (Responsable de production d'Androgyne). Il manifeste un véritable souci de pluralité et d’équilibre entre artistes émergents et constellation de headliners. Aux côtés de collectifs locaux et des résidents du club : Youl, Soyoon, Bambi, Combe, GTI, Maí-Linh et M o k s h a, nombreux·ses sont les ambassadeur·ices des musiques électroniques qui ont déjà officié au 17 rue Jules Launey. Andrew Weatherall, Marie Montexier, DVS1, Peach, Casper Tielrooij, CC:DISCO, Marcel Dettmann, tINI, Donato Dozzy, Paquita Gordon, Anetha, Palms Trax , DJ Gigola, S.O.N.S, David Vunk... Pour ne citer qu'eux.
« Le côté très obscur du club participe à sa radicalité », souligne Emmanuelle (Responsable communication d'Androgyne). « Le fait que quand tu rentres dans Macadam, tu n'arrives pas à voir au-delà de deux mètres c'est quelque chose d’assez expérientiel ». À l’intérieur, l’obscurité règne, aucune photo ni vidéo n’est autorisée. La musique guide les danseur·euses jusqu'au petit matin et quand la fête est finie, il ne reste que des souvenirs.
Avec une capacité de 550 personnes, l’espace à taille humaine s’oriente autour d’un booth de béton et d’acier suspendu conçu par le collectif d’architectes nantais VOUS. « Il n'y a pas ce rapport à quelqu'un qui serait loin ou qui serait inaccessible », précise Alexis. Les platines, à hauteur de dancefloor et les créneaux de plusieurs heures confiés aux artistes leurs permettent de se nourrir intensément de l'énergie du public pour raconter une histoire et faire voyager. Pour les danseur·euses comme les DJs, le rapport introspectif à la musique est décuplé par la qualité et la précision du système son. Signé Combeuil Audio, il se perfectionne grâce aux conseils de la légende techno Zak Khutoretsky alias DVS1 après son premier passage au club en juillet 2018.
Fête diurne, organisée un dimanche par mois de 7h à 4h (le lundi), Gloria fait basculer Macadam dans une toute autre dimension. Cette expérience, inédite en France, rime avec lâcher prise. Chaque danseur·se est invité·e à se costumer en empruntant une autre peau pour découvrir de nouvelles facettes de sa personne. Parmi les déguisements emblématiques des événements dominicaux se trouvent les créations de l'ex duo de costumiers nantais Les Baptistes (Baptiste Pichaud et Baptiste Sorin) opérant jusqu’en avril 2019. Depuis, Baptiste Pichaud continue avec son propre projet : Baba Création, devenu le dressing de Gloria. Chaque pièce est pensée et conçue de manière artisanale, priorisant la récupérations de matériaux.
« Il a fallu répéter six, sept fois pour vraiment sentir qu'il y avait une adhésion », se remémore Alexis. « Les premières Gloria, on faisait 160 entrées sur les 17 heures ou 20 heures de l'événement, c’était vraiment embryonnaire avec des gens super engagés et motivés ». Il témoigne de dancefloors magnifiques et de fêtes très émotionnelles. Loin de l'effet de masse, celui qui vient créer une vibration supplémentaire avec des temps hauts et des temps bas. « Il nous a fallu quand même une saison pour que les modèles commencent à exister pleinement entre le jour et la nuit », affirme-t-il. Aujourd'hui, la renommée de Macadam pousse les artistes à jouer le jeu, « à baisser leurs cachets pour venir chez nous », explique Alexis. « Le lieu n'a fait que progresser dans sa dynamique d'accueil des publics, mais a cherché à rester radical dans sa direction artistique. J'espère qu'on arrive à le rester. Selon nous, oui, mais c'est surtout au public de le faire ».
Malgré une communication active basée sur les valeurs de respect, de liberté, de partage, de danse, de lâcher prise et d'inclusivité depuis ses débuts, l'équipe d'Androgyne maintient une présence forte et une créativité constante dans ce domaine qui représente un chantier perpétuel.
« La prévention, l'éducation des publics et le vivre ensemble, c'est un sujet premier pour Macadam. Il y a des périodes de vrai élan positif comme des périodes de retour en arrière, notre seul moyen de tenter de créer une moyenne haute, c'est de mettre un niveau d'engagement fort »
En étroite collaboration avec les collectifs qui programment en son sein, le club s’est récemment muni d’une nouvelle charte, mise en images par l'illustratrice Anaïs Rallo.
Début 2022, le restaurant voisin de l'entrepôt du bas Chantenay ferme ses portes, offrant à Androgyne l'opportunité idéale de prendre en main le lieu et de développer une deuxième scène, plus intime, prête à explorer de nouveaux univers à la croisée de la gastronomie et des musiques : OHM Town.
Le lieu se vit sur deux niveaux dedans et deux espaces dehors. Au rez-de-chaussée : la scène et le bar à cocktails. À l’étage, la cuisine et une salle lumineuse. Dans le patio extérieur, des tables ensoleillées. Au biergarten, un espace de discussions et de jeux.
« On avait en tête et à cœur d'avoir un lieu plus multiple, plus versatile »
Après tout, est androgyne quelqu'un à qui on a du mal à affilier un genre. « On aime l'idée d'avoir une direction artistique capable d'explorer beaucoup de champs », poursuit Alexis. « On a bien vu le potentiel possible d'un lieu connexe, qui nous permette de faire des choses complémentaires ». Porté par des esthétiques allant au-delà de la musique électronique, le collectif nantais aspire plus que tout à continuer de diversifier sa programmation. À l’opposé des line-up de Macadam, les sons chauds, jazz, funk, house mais aussi le rock, les musiques psychédéliques et baléariques sont mis à l'honneur avec une priorité donnée aux talents locaux.
« Avec OHM Town, on peut faire absolument ce que l'on veut en termes de musique », continue-t-il. « On avait envie d'aller chercher quelque chose d'autre en termes de grain de son notamment. On a donc créé un système son en bois fabriqué sur mesure par Palladium Audio ». Employant des pavillons pour ses haut-parleurs, une technologie existante depuis 80 ans, le fabricant basé à Paris (La Courneuve) utilise des techniques de montage contemporaines et des outils modernes pour leur conception, tout en gardant une approche très artisanale.
Le DJ booth, sur mesure et ajustable, abrite une table de mixage rotary ISO420, une création londonienne réputée pour son approche brute. Associé aux haut-parleurs vintages, ce petit bijou offre une expérience d'écoute unique. Même si l'équipement est indéniablement audiophile, Androgyne ne cherche pas à revendiquer cette étiquette de manière trop ostensible. L'objectif est d'être un lieu accessible à tous, de tous les âges et de tous les horizons. La dynamique d'OHM Town est résolument axée sur la convivialité, loin de l'idée d'un endroit réservé aux mélomanes qui viendraient pour y écouter des choses extrêmement pointues dans le silence absolu. Les performances live, rendues possibles par la configuration de l'espace, y sont aussi priorisées.
Évidente, la complémentarité entre OHM Town et Macadam s'affirme d'autant plus lors des événements prolongés comme Gloria ou Diva. « On ouvre OHM Town comme une seconde scène, qui se transforme en Grace », souligne Mado. Les chaises et les tables sont mises de côté pour libérer l'espace et créer un deuxième club miniature, offrant un terrain de jeu supplémentaire aux danseur·euses, qui ne savent plus où donner de la tête !
La sensation d’être au début
« C'est un sentiment assez troublant au bout de sept ans » déclare Alexis. « On a enfin les espaces qui nous permettent de proposer la totalité des projets artistiques que l'on a imagé et on se rend compte que nos idées peuvent totalement se concrétiser maintenant que les lieux sont finis ». Malgré une prise de risque artistique, une conception des horaires et de la fête marginale, le collectif visionnaire a su gagner la confiance des institutions et incarne plus que jamais un moteur d’inspiration en France et à l'étranger.
À vos agendas ! Du jeudi 25 au dimanche 28 avril, OHM Town célébrera son premier anniversaire. Après déjà un an de musique, de fête, de cuisine savoureuse et de convivialité, le lieu s’ouvre en grand. Intérieurs et terrasses seront exploités pour quatre jours de DJ sets, concerts et joyeux banquets.