Après le succès de son premier EP Memories sorti en 2023, Mira Ló poursuit son ascension comme l'une des figures de la relève de la house en France. Après une retraite artistique et personnelle dans le berceau historique du genre, à Chicago, son nouvel EP de cinq titres Tribute To Chicago est une ode sublime à la fois nostalgique et généreuse, à l'image de sa créatrice. Rencontre.
La talentueuse productrice et DJ parisienne Mira Ló s’est rapidement imposée comme l’une des artistes à suivre. Après une tournée de 60 dates en France et en Europe depuis 2022, ponctuée d'une nouvelle résidence "State of Mind" au Sacré (Paris), Mira Ló marque son retour avec Tribute To Chicago, un EP de 5 titres composé de 5 titres entre house percussive et mélodies disco enivrantes.
Ton dernier EP Tribute To Chicago a une âme. Tu nous racontes l’histoire ?
J'ai vraiment travaillé mon projet personnel et musical avec cet EP, Tribute to Chicago. Je suis partie en voyage là-bas en décembre 2022, juste après le covid. J'avais besoin de cette renaissance, d’aller quelque part très loin et d'oublier tout le reste.
Quand je suis arrivée, j'ai fait des rencontres incroyables. Un soir dans un bar vers 22h, je prends un verre de Sauvignon blanc, je vois une peinture d'Amy Winehouse - que je trouve laide sur le moment -, et là, un monsieur vient me voir et me dit bonjour en français : c’était le patron du Smart Bar (ndlr : le club mythique de Chicago avec 35 ans d’existence).
Ce lieu où jouent régulièrement Honey Dijon et The Blessed Madonna, créé pour aider les noirs et les gays est plus qu’une référence. Il me propose de venir découvrir le lieu en backstages, me présente toutes les drag queens. Les gens qui sont là sont vraiment là pour la musique. J’ai pleuré de joie.
Tout était finalement question de destin à Chicago. Je logeais dans une auberge de jeunesse avec 6 femmes, le patron m’a proposé ce jour-là de loger gratuitement car il héberge des réfugiés mexicains - le pays de mes origines. Tout s’est relié dans la construction de mon EP Tribute To Chicago : le retour aux sources, l’immigration, la house, les gays, la communauté, une énergie où tout le monde se rassemble et prend soin de l’autre. C’est ce que je veux apporter dans ma musique : de l’amour et de la bienveillance. Se recentrer sur soi-même et sur les autres.
L’EP raconte aussi l’histoire d’amour avec une fille qui s’est terminée. En fait, Chicago m'a permis de me redonner foi en l'amour et d’avoir confiance aux gens, et cette fille m'a donné envie de bouffer le monde. C'est un hommage pour tout le monde en fait, pour le rassemblement. Il y a des gens qui m'envoient des messages et me disent merci depuis sa sortie, ça m’a soigné le cœur.
Tu jouais à Peacock récemment, l’un des festivals les plus plébiscités de Paris. Comment vois-tu ton parcours ?
C’est une super belle opportunité, et je ne sais pas si je vais percer du jour au lendemain. Mes proches me permettent de garder les pieds sur terre. Je pense que c’est le plus important.
Tout l’écosystème dans lequel je gravite est important : les accueil artistes, les physios, les agents de sécurité, les ingé sons, les barmans, tous ceux qui travaillent à mes côtés. On est tous ensemble.
L’entraide entre artistes féminines est super importante. Je n’hésiterai pas à aider une confrère si elle a besoin d’aide. A l’inverse, j’ai parfois le sentiment que beaucoup se comparent entre elles, et je trouve ça dommage. Je n’ai vraiment pas envie de me comparer car je pense qu’on ne fait pas la même musique, on défend des esthétiques différentes, des projets différents. Si elles réussissent dans leur projet, c’est génial. Mais je trouve que ça change avec le temps, c’est une bonne nouvelle.
Comment as-tu commencé à te professionaliser en tant que DJ ?
Mon parcours est assez atypique. J’ai commencé à la MEOW, l’ancienne terrasse sur le toit de la Cité de la Mode et du Design, en mode salsa. Personne ne me parlait parce que j’étais la seule fille, ça m’a traumatisé. C’est aussi pour ça que je parle à tout le monde, ça rend la fête encore plus belle.
Ensuite j’ai fait le Nouveau Casino, à Oberkampf. Je jouais dans des petits bars pendant 6h, payée au lance-pierres, comme tout le monde. Mais c’était marrant ! J’étais jeune, j'avais 20 ans. J’ai eu ma première bookeuse, et l’une de mes premières dates marquantes ça a été à Metz avec DJ Falcon. A 21 ans !
Àce moment-là tu mixes, quand est arrivée la production ? Au vu de la richesse de tes morceaux ça doit faire un moment.
Je fais de la production depuis mes 18 ans. Je fais du saxophone à la base, en impro jazz depuis mes 10 ans. Ensuite j'ai appris le piano toute seule à 14 ans. Après, j'ai craqué Ableton et je me suis mise à faire mes propres tracks sur Ableton à 18 ans. Je n’ai pas fait d’école, j’ai appris toute seule. J’ai appris avec des tutos Youtube pendant des années, religieusement, et je continue !
Je viens aussi d’une famille baignée dans le flamenco. Quand j’étais petite, en repas de famille tout le monde tapait sur des verres, des assiettes, n’importe quoi qui se trouvait sur la table. T’étais obligée d’avoir un truc dans la main pour faire du rythme. Dès mes 5 ans ! Le premier morceau que j’avais appris à l’oreille, mon père (qui est aussi un musicien) l’avait écouté et avait automatiquement approuvé. Il fallait que je prouve quelque chose à mon père.
Le flamenco c’est de l’amour, je le retranscris aussi dans la musique house que je produis. En vérité, je compose tout le temps. Tous les jours. Je me tue. J’ai déjà deux EP prêts. Tous les jours il y a un truc qui sort de ma tête. Quand je suis triste, quand je suis heureuse. C’est un exutoire. J’exorcise mes émotions (rires).
Il y a aussi ma grand-mère Mira, elle écoutait tout le temps du Nina Simone. Elle mettait tout le temps sa cassette et elle pleurait de joie dessus. La musique c’est vraiment ce qui nous faisait revivre dans ma famille. C’est un leitmotiv que j’ai : faire de la musique pour rendre les gens heureux, pour faire prospérer tout ça.
Dans mes tracks, je veux un côté nostalgique. Même si t’es triste, ça va. C’est vraiment le but de mes tracks : que je raconte une histoire et que les gens s’identifient à ça. Dans mon mal être, je suis trop émotive, je veux que les gens renaissent de leurs cendres. Ma grand-mère a fui la guerre d’Espagne, elle a traversé deux pays à pied, elle faisait toujours rire les gens et elle n’attendait rien en retour. Quand j’étais petite, dans son village, elle connaissait tout le monde, c’était une star ! J’ai jamais vu autant de gens donner à quelqu’un.
La musique est-elle aussi vectrice de tolérance pour toi ?
J'ai toujours booké des personnes racisées, hétéros, non-binaires dans mes cartes blanches et événements. Je voulais que tout le monde soit ensemble. Ça a fait sold out à chaque fois ! J'étais très fière de ça.
Je comprends l'exclusivité d’être ensemble, il y a besoin. Les personnes racisées ont besoin d'être ensemble. Je suis lesbienne et queer, et j'ai ce besoin d'inclusivité. Chicago, Mason, le pote noir gay que je me suis fait, il me disait qu'il y avait encore de la ségrégation entre noirs et blancs à Chicago. Il me demandait comment c'était en France la communauté LGBT. Moi je suis hyper politisée là-dedans, dans le sens où il faut que tout le monde se rejoigne. C'est important.
Quelles sont les entités dans la scène dont tu te sens proche ? Un goal ?
Je suis très proche du duo Bande de Filles de Camille Lockhart (Ecran Total), Contre Coeur, Lyss… C’est que des nanas super, des meufs sûres et très douées.
Si j'avais un rêve, je dirais signer sur Defected à l'international, et Ed Banger pour la France, évidemment. J'en rêve. J'ai tous les vinyles, j'ai même les cassettes de Daft Punk, Discovery, je les écoutais sur mon Walkman. Je suis une fan ultime de la première heure. Cet EP-là c’est un peu mon titre Night In Chicago, j’ai fait une track qui s’appelle Something About Us aussi… Tout est relié à Daft Punk.
Tribute To Chicago est disponible sur toutes les plateformes. Vous pouvez suivre Mira Ló sur Instagram.