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Le modèle des abonnements illimités s’est progressivement immiscé dans l’ensemble de nos activités de loisirs : streaming musical et vidéo, jeux-vidéo, salle de sport, cinéma, presse... Et si l’on pouvait aussi s’abonner aux clubs pour pouvoir en profiter en toute liberté ?
Un abonnement inédit
Le Sucre, emblématique club électronique de Lyon, a récemment décidé d’expérimenter ce modèle. Lancé le 28 janvier dernier, l’abonnement “Le Sucre Max” permet désormais pour 40€ par mois d’accéder à la quasi intégralité des soirées du club. Une première en France, à tel point que la billetterie de référence Shotgun a du spécialement adapter son application pour pouvoir intégrer l’option d’un paiement mensuel.
“Quand on préparait les 10 ans du Sucre, on a fait un exercice de design fiction pour imaginer le club du futur. Et il y a une idée qui revenait, celle d’un club ouvert 24h/24, 7j/7, auquel on peut accéder en illimité. En discutant, on s'est rendu compte qu’on était tous abonnés à plein de choses, mais que ça n'existait pas vraiment dans le milieu des musiques actuelles.”
Alexandre Didier, Responsable billetterie d’Arty Farty
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Rétribuer la fidélité
“Ce qu’on veut, c’est valoriser la communauté de gens qui viennent régulièrement [au Sucre]”, affirme Alexandre Didier, responsable billetterie d’Arty Farty (association derrière le Sucre et le festival Nuits sonores). Un modèle “gagnant-gagnant”, selon le Sucre, qui fidélise son public et crée un véritable attachement au club, tout en y garantissant un accès privilégié.
Destiné à un public conquis, cet abonnement nécessite tout de même d’aller plus de 3 fois par mois dans le club lyonnais pour être rentabilisé, mais est garanti sans engagement et simple d’utilisation. “Nous, ce qu'on veut et ce qu'on a toujours voulu, c'est quelque chose d'hyper simple, qu'il n'y ait pas 50 petits astérisques”, défend Alexandre Didier.
Ce n’est pas la première fois qu’Arty Farty propose ce type d’initiatives. Connue pour son goût pour l’expérimentation et l’avant-garde, l’association proposait au Sucre des cartes de membres avant la crise du Covid, donnant accès aux soirées du vendredi mais aussi à des avantages exclusifs.
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Une solution à la tension financière des clubs ?
Ce modèle pourrait-il soulager les difficultés financières des clubs ? Alors que la crise du Covid a durablement fragilisé les établissements de nuit, et conduit à la fermeture de nombre d’entre eux, cette nouvelle offre pourrait peut être changer la donne.
La rentabilité ? “Aujourd’hui, on n’en sait rien”, répond Alexandre. “Nous, on a toujours préféré avoir un club plein, même si les gens payent moins cher ou pas du tout, qu’avoir un club à moitié vide”. Une volonté de proposer une fête comble et rassembleuse, donc, mais pas seulement.
Un abonnement mensuel peut donner la sensation au public de ne plus payer d’entrée, et ainsi inciter implicitement à dépenser davantage au bar. Une stratégie qui pourrait s’avérer bénéfique pour les clubs, car la majeure partie de leur chiffre d’affaires provient du débit de boissons.
Autre avantage, celui d’une meilleure stabilité financière pour les établissements. En effet, un abonnement mensuel, bien qu’il soit résiliable à tout moment, assure une linéarité plus grande qu’avec une billetterie classique, sujette par exemple aux creux d’affluence en fin d’année et au milieu de l’été.
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Une offre limitée
Ce modèle pose néanmoins plusieurs enjeux de taille. La gestion de la jauge du club peut être plus imprévisible qu’avec une billetterie classique, le phénomène de “no-show” - les personnes détentrices d’un billet qui ne se présentent pas - pouvant être plus important.
Par ailleurs, pour justement contenir cette jauge, les abonnés doivent réserver leur place le mardi précédant le weekend, une contrainte qui nuance la dimension de liberté d’un abonnement illimité, dans un marché où le public se décide souvent le soir même.
L’équipe du Sucre le concède : cette offre n’a pas vocation à remplacer la billetterie classique, mais plutôt la compléter; ce qui explique la quantité limitée d’abonnements mis en vente, destinés à un public niche composé d'habitués du lieu.
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Un modèle à la marge ?
Si ce modèle est lancé à Lyon, ville où Le Sucre est un club de référence, celui-ci a certainement moins de chances de fonctionner à Paris. “Avec la concurrence qu’il y a ici, je pense que ça peut être très compliqué”, estime Benjamin Charvet, directeur artistique du Badaboum (et co-fondateur de Dure Vie, ndlr).
Le club parisien Sacré a lui aussi lancé un abonnement - annuel, cette fois - il y a quelques mois, rapidement supprimé en raison d’une très faible demande. “Le français aime bien avoir le choix”, poursuit Benjamin Charvet, mais avec ce modèle, “tu te sens un peu obligé d’aller au club parce que tu as payé 40€”.
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Alors, verrons-nous ce type d’offres envahir les clubs à l’avenir? Ou bien encore des abonnements plus larges à un ensemble de clubs partenaires? En tout cas, l’expérimentation vaut le détour.