Âme du label mythique Bass Culture et résident du Rex depuis près de 26 ans, difficile de passer à côté de l’un des ambassadeurs house français les plus respectés de la scène : D'Julz. À l'occasion de la sortie de son livre le 28 octobre dernier, nous sommes partis à sa rencontre.
Encore loin d’imaginer qu’il pouvait en faire sa vie, D’Julz commence derrière les platines au début des années 1990 par simple hobby. « Pendant les six premières années, je mixais tous les week-ends mais j'avais des études et j'avais un job à côté dans la pub », explique-t-il.
En commençant dans les raves à Paris, il se démarque et réalise qu’il va devoir faire un choix. « J’ai senti que pour passer un cap il fallait passer par la production ». Sa décision ne s'est pas faite sur un coup de tête. « J'avais quasiment 10 ans de mix derrière moi et des dates tous les week-ends, donc le timing était relativement bon », se souvient-il. « Pour aller plus loin, il fallait que je passe un cap en produisant du son et pour cela, il me fallait du temps la semaine pour pouvoir le faire ».
À la fin des années 1990, D’Julz se lance enfin. Après avoir sorti son premier CD "Rave Master Mixers" en 1993, le producteur français dévoile ses morceaux sur des labels reconnus à l’international tels que Serial Records, Ovum Recordings, Maya, ou encore Dessous, le label de Steve Bug.
« Grâce à ce déclic de m'y consacrer à 100% », précise-t-il, ses sorties remarquées le propulsent dans les meilleurs clubs du monde entier. Mais, au milieu des années 2000, l'industrie du disque s’effondre. Vendus quelques années plus tôt à 5000 exemplaires, les 33 tours ne se pressent plus qu’à quelques centaines de copies. Avec l’arrivée du numérique, l’offre de musique explose et les tendances évoluent. « Très vite j'ai appris qu'il y avait des vagues, ça m’a vraiment servi de leçon et forcé à me remettre en question, à me dire que rien est acquis dans ce métier », poursuit Julien. Devenu par la suite adepte des soirées Circoloco au mythique DC10 d’Ibiza (à partir de 2011), le français ne cesse de donner l'actualité nécessaire pour conserver son niveau et accélérer sa carrière.
L’épopée Bass Culture
Après avoir déménagé à New-York en 1993 pour parfaire ses compétences et consolider sa réputation, le français s’installe à Paris. Force est de constater l’essoufflement des raves, qui petit à petit se délocalisaient vers les clubs, Julien récupère les commandes des sous-sols du Grand Rex une fois par mois. « J'ai commencé à y mixer grâce aux organisateurs de raves qui avaient récupérés tous les samedis là-bas, c’est comme ça que j'ai fait ma transition des raves aux clubs. La soirée s'appelait Temple », se rappelle-t-il. Au bout de 3 ans, la soirée s’arrête. Christian Paulet, alors directeur de l’institution parisienne souhaite garder ce format et propose aux résidents de créer leur propre soirée.
Baptisé "Bass Culture", le nouveau rendez-vous des nuits parisiennes devient la première et seule véritable résidence de D’Julz. « C’est la seule soirée qui a gardé le même nom et le même concept depuis ces 25 dernières années », affirme le pionnier.
En 2009, D’Julz fonde son label. Référence aux soirées Bass Culture, le label éponyme se développe rapidement comme une référence. « Je suis content d’avoir étalé mon apprentissage, j’ai toujours pris mon temps pour faire une chose à la fois », témoigne-t-il. « Je ne me suis pas lancé en même temps dans le métier de DJ, producteur et label manager, ça aurait été catastrophique (rires) ».
Depuis, le label enregistre plus de 50 sorties avec les plus grands noms de l’underground dont Mr G, Franco Cinelli, Arnaud Le Texier, Honesty et bien d’autres… « Je contacte des artistes qui ont un son qui correspond à celui que je veux mettre en avant », explique t-il, tout ensoulignant son regret de ne pas pouvoir écouter toutes les productions qu’il reçoit.
L'une des dernières sortie du label est signée Velvet Velour. Séduit par la patte du jeune artiste britannique qui compte déjà plusieurs productions sur les labels londoniens Butter Side Up et Nuances De Nuit sans oublier MINDHELMET, D’Julz n’a pas hésité à le contacter pour lui proposer un premier EP sur Bass Culture. Baptisé Terpsichore Daydream, ce nouveau maxi est rempli d'énergie et de sensations positives. Avis aux diggers !
« Être uniquement, DJ ça ne suffit plus… »
Rare témoin de l’évolution du mouvement durant ces 30 dernières années, Julien Veniel n’a jamais cessé de se renouveler. « J'ai appris en travaillant avec d'autres gens, en les regardant, en achetant des machines petit à petit, en maitrisant une machine après l'autre », prcise-t-il. « Maintenant, le gain de temps est incroyable. Tu as tout sur un ordinateur et si tu sais pas comment utiliser tes plugins, tu regardes sur Youtube ».
Devenue beaucoup plus accessible, la musique électronique a ouvert ses portes à une myriade de DJ’s et de producteurs ces dernières années, obligeant les pionniers de la house et de la techno à se renouveler en permanence. « Je trouve ça assez sain finalement ». « Mais parfois, j'aimerais bien qu'il y ait moins d'amnésie et que les gens regardent un peu en arrière… ».
Aujourd’hui, sortir un disque ou avoir un label un peu reconnu ne suffit plus. « La scène a changé, la société aussi. Les moyens de communiquer sont très différents, donc le gros changement est surtout là. Les réseaux sociaux ont révolutionné beaucoup de choses de ce métier, et ça n’est pas facile pour moi car on s'est rendu compte que ça comptait un peu plus que le reste. Je trouve ça un peu triste… », conclut-il.
Se replonger dans ses racines pour aller de l’avant
Pendant le confinement, alors qu’il est enfermé avec sa collection de 15 000 disques, Julien replonge dans son histoire et ses racines. « Entendre des jeunes passer des disques que je jouais vingt ans plus tôt dans un contexte complètement différent m’a permis de les redécouvrir », souligne le DJ.
Décidé à explorer de nouveau sa collection, il lance une fois par mois une série de podcasts 100% vinyles filmés de son salon avec une sélection très personnelle de disques souvent rares, parfois oubliés. Baptisé Home Diggin’, le format s'exporte dans les studios de Rinse avec des invités du monde entier de renom.
« Le groove, la basse, ce côté assez happy ou au contraire assez mental est resté le même depuis mes débuts »
Toujours resté fidèle à son identité musicale, D'Julz s'inspire principalement de la house et de la techno américaine de Détroit, Chicago et New York. « La base était la même pour tout le monde, à savoir les US. Mais au bout d'un moment, les anglais faisaient leur version, puis les italiens, les allemands, les hollandais... », explique Julien. « Nous, on est arrivés en dernier, donc a pu se nourrir de toutes ces racines ».
Aujourd'hui, *« il y a moins de choses révolutionnaires puisqu'il y a 40 ans de musique électronique à digérer ». « Quand tu vois 40 ans de rock, 40 ans de Jazz est-ce que tu vois des trucs révolutionnaires après ? Non, ça va plus piocher dans le passé, chacun arrive avec sa version de ce qui a déjà été fait. ».
Convaincu que la prochaine révolution musicale ne sera pas similaire à celle de la fin des années 1980 - début 90 - D'Julz s'interroge sur la place que pourraient prendre les nouvelles technologies comme l'intelligence artificielle dans le paysage électro.
Bass Culture : le livre
En replongeant dans ses archives Julien a voulu montrer ce qu'il n’aurait pas pu écrire. Sa chambre d’adolescent, les veilles photos de sa mère et tout ce qui l’a lancé sur la route d’une carrière d’artiste qu'il n’espérait pas. Le 28 octobre dernier, deux semaines après la réouverture du Rex, il dévoile une partie de sa vie et de sa culture à travers un ouvrage de photos retraçant l’esprit Bass Culture et bien plus. Vous connaissiez peut-être déjà Bass Culture ou D’Julz, cet album de 128 pages présente Julien. Quelques exemplaires sont encore disponibles sur le site de CLASSIC Paris.
Le 20 janvier prochain, pour la première Bass Culture de 2024, Julien accueillera Janeret. Vos préventes pour la soirée sont disponibles sur Shotgun.
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