Le Batofar a déposé le bilan. Le club et salle de concert emblématique qui allait fêter ses 20 ans de résidence sur le quai François Mauriac a été démonté ce week-end, au grand damn de beaucoup de DJs et organisateurs qui y avaient fait leurs armes. Le bateau-phare des berges va connaître un tout autre avenir.
En début d’année dernière, le cargot rouge vif annonçait une fermeture temporaire pour travaux de rénovation, et qui devait être clôturé par un mois de fête avec open bar et la crème des collectifs parisiens. Mais à cause de la violente crue de la Seine, le bateau avait été inutilisable et contraint de ne jamais dire au revoir. Depuis, les rumeurs allaient bon train : réouverture pour la rentrée puis à l’automne, c’est après plusieurs mois sans nouvelles que le bateau avait finalement été réduit en un bar plutôt banal, le « Faro Faro« . Signalé en fin de semaine dernière par des clichés qui en montrait sa déconstruction soudaine, la sentence est tombée, inattendue : le Batofar a déposé le bilan et ne reviendra pas tel que vous l’avez connu.
La fin d'une époque… content d'y avoir été manager et programmateur concert malgré des hauts et des bas ! Et surtout d'y avoir organisé mes premiers concerts et soirées.
Le batofar a déposé le bilan en janvier.
#ripbatofar #batofar #theend #farofaro pic.twitter.com/GJKZzo2fKJ— Damien | Alternative Live (@damourtheory) October 6, 2018
Cet ancien bateau-feu était d’abord devenu le refuge des musiques électroniques, témoin clé de sa démocratisation à Paris. En 2004, sa programmation s’était affinée suite à une scène qui se faisait plus discrète et l’arrivée des afters de son confrère naval, Concrete. Des genres plus alternatifs comme le rock, la drum’n’bass ou le métal avaient eux aussi trouvé leur public dans sa cale brute et intimiste. Au Batofar, nombre de DJs et artistes y avaient fait leurs armes avant de conquérir les plus grands dancefloors du monde, ce que nous avait confié Dan Ghenacia, membre du trio Apollonia dans une interview :
« J’ai démarré au Batofar, les premières heures c’était vraiment fabuleux. Ils avaient un soundsystem customisé, c’était une asso qui gérait l’artistique – dont un ingé son un peu farfelu qui avait acheté un soundsystem JBL. C’est vraiment avec ce soundsystem-là que j’ai bossé mon style. C’était la grosse époque de la French Touch, très efficace, très house filtrée alors que nous, on était vraiment dans la deep. Ce système son permettait de jouer très deep mais avec un rendu de basses tellement énorme que ça emportait les gens. Tout est né comme ça. »
À l’aube des années 2010, le Batofar s’était aussi fait porteur d’une nouvelle génération de collectifs motivés qui venaient s’essayer aux platines de sa terrasse, sur son système son parfois un peu hasardeux mais qui leur permettait de faire leurs premiers événements à l’heure de l’apéro. Le Batofar sortait les DJs de leur chambre, créait de nouveaux microcosmes sur son parquet et constituait sans nul doute un des rendez-vous incontournables de la capitale. On se souvient notamment de D.KO Records ou La Mamie’s à la Fête de la Musique, devant plusieurs milliers de personnes.
https://www.facebook.com/D.KOrecords/photos/a.515942501849165/1707659862677417/?type=3&theater
Alors à l’heure où l’annonce est tombée, chacun a eu ce pincement au cœur significatif d’un ou plusieurs souvenirs de ce bateau emblématique. Très vite, Damien Beauthamy, ancien programmateur du Batofar et relayé par nos confrères de Tsugi tweetait qu’àl’été 2019, après de sérieux travaux de rénovation, tous ces genres entremêlés n’auront plus leur place, puisque le Faro Faro deviendra un club de salsa :
Il s est fait racheté et part pour travaux. Ça va devenir un club de salsa . Le Faro Faro
— Damien | Alternative Live (@damourtheory) October 8, 2018
Après La Flèche d’Or, La Miroiterie ou encore le Garage, les hauts lieux de la musique à Paris continuent d’être rayés de la carte. Tristes nouvelles qui donnent l’amère impression que la démocratisation de la scène électronique (mais pas que) continue de ne pas ravir les pouvoirs publics. Larguer les amarres pour revenir différent : ce sera sans nous, assurément.