Photo à la une © Jeanne Lula Chauveau

Bien plus qu’une simple DJ, Miley Serious est une véritable activiste des musiques électroniques. À 29 ans, les projets s’enchaînent : résidente sur la célèbre webradio Rinse France ou à la tête de son label 99 Cent, cette éternelle passionnée touche en plein coeur par sa capacité à toujours sortir musicalement des sentiers battus. Aucune étiquette, si ce n’est un mélange entre les raves de Manchester et l’acid techno de la nouvelle génération Soundcloud. De New York à Paris, rencontre avec la selector qui étonnera une fois de plus, vendredi  soir, avec Mall Grab sous le Palais de Tokyo. 

Vendredi prochain tu joues en b2b toute la nuit avec Mall Grab. C’est pas la première fois que vous partagez les platines il me semble, vous l’aviez déjà fait à l’Iboat de Bordeaux. Tu peux nous en dire plus sur votre duo ?

On se connaît depuis un moment déjà. Il adore jouer avec ses amis ! Quand il est en tournée dans un pays il leur demande toujours de l’accompagner sur ses dates. Du coup en étant l’artiste avec qui il est le plus proche ici en France, comme on s’entend bien et qu’on se supporte l’un et l’autre dans ce qu’on fait il m’avait proposé de l’accompagner sur sa première tournée en France. Ça se base vachement sur l’amitié, et comme ça avait bien marché et qu’on s’était bien amusé la première fois, quand il m’a proposé pour cette fois-ci j’ai dit « bien sûr, à fond ! ».

Votre association peut paraître surprenante. Les sons que vous avez l’habitude de passer sont pas forcément dans le même style ?

Le truc c’est qu’en ce moment il est en train d’évoluer, donc j’espère que le public de la semaine prochaine est prêt à ne pas forcément avoir qu’un Mall Grab « back in the days ». Après, s’il a envie de faire des phases plus « Mall Grab » on s’accordera bien sûr, on arrivera toujours à créer un lien, c’est aussi notre taff de savoir y aller, de « prendre un chemin ».

Tu as fait le choix de ne pas produire. Tu y as quand même déjà pensé ?

Je n’y ai pas forcément pensé. Enfin si, en me disant « tiens je vais essayer », mais quand je l’ai fait j’ai détesté et ça n’est pas du tout ma vibe. J’ai toujours eu des groupes, dont un qui s’est arrêté il y a trois/quatre ans (cf TGAF). Mais comme je viens de la scène post punk, à l’époque j’ai produit mais toujours en groupe, avec un instrument. En musique électronique ça ne m’intéresse pas du tout ! Je préfère plutôt avoir ce projet de label (99 Cents Records) ou un rôle de curator plutôt que de produire moi-même. Ça peut paraître hyper triste, surtout quand on aime autant la musique et qu’on veut en faire partie, mais je ne prends pas du tout de plaisir à produire, en musique électronique en tous cas. 

En tous cas, tu fais plein de trucs à côté de tes DJ sets ! Tu as lancé ton label il y a quelques temps maintenant, 99 Cents Records.

Le label vient tout juste de fêter son premier anniversaire ! Avec ce label, je cherche surtout à présenter la scène et les artistes qui pour moi font évoluer les sons et les racines que j’aime. Ça marche au coup de cœur. Mais je veux énormément faire évoluer cette scène « Soundcloud » on va dire, parce qu’en fin de compte, je les ai tous rencontré là-dessus. La scène « acid » et « post-punk », je ne dirai pas « EBM » parce que j’aime pas du tout ce terme là, mais oui, cette « acid/techno » qui peut même être un peu plus house parfois.

Justement, j’avais lu dans une interview que tu n’aimais pas trop parler de styles musicaux à proprement parler, mais plutôt de « scènes ». Qu’est-ce que tu entends exactement par là ?

Je déteste mettre une étiquette sur un style, du genre « il fait de l’acid », « je fais de la techno ». Oui, on fait de la techno, mais par exemple moi je n’aime pas la techno allemande, je déteste ça même. Ça ne colle pas du tout avec ma culture, ce avec quoi j’ai grandi et ce que j’ai écouté depuis que je suis jeune. Je n’ai pas grandi en aimant les noms des scènes mais plutôt en regardant ce qui se passait dans des villes.

Alors oui bien sûr, je joue beaucoup d’acid, des trucs « rave », et oui c’est de la « techno » si on veut vulgariser le terme. Mais si tu as envie de comprendre ce que je joue, je te parlerai d’une ville plutôt que d’un style ou d’un label, et ce qu’elle a apporté pour la scène. Pour le coup, ça me passionne ! Chaque sous-culture, chaque scène est née d’une histoire particulière. Une drogue qui arrive, un club qui meurt à cause d’une drogue mais qui devient un emblème, de se dire que le son vient de cet endroit… Moi je suis passionnée de Manchester, parce que je suis fan d’Oasis depuis que je suis jeune, et évidemment de l’Hacienda. Ce club, tout le monde va l’associer à l’acid house mais c’était aussi le début de la Brit-pop ! En fait, si t’aimes une ville et sa scène en particulier c’est pour pleins de raisons différentes. 

Donc si la scène peut être influencée par plusieurs styles musicaux différents dans une même ville, c’est cet ensemble que tu vas apprécier plutôt que chacun des styles pris séparément.

Complètement. Tu sais, Happy Mondays viennent de Manchester, et c’est les plus gros déglingos de la terre. Ils jouaient à l’Hacienda en même temps que Laurent Garnier et Joy Division. Pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas jouer les trois en même temps ? En fin de compte c’est la même sonorité, pas la même époque mais quasiment ! Tout se mélange. Et c’est ça que je veux faire ressortir dans ce que je joue, c’est pour ça que je vais aller poncer l’histoire d’une ville, la création d’un club, l’arrivée d’une vibe, tout ça quoi.

C’est quoi les scènes qui t’attirent le plus en ce moment ?

En ce moment je suis à fond sur le sud des États-Unis, tout ce qui se passe dans le Tennessee, le Texas. Ça évolue énormément là-bas en ce moment. Particulièrement avec Textasy, qui vient de Dallas (maintenant il vit en Europe) et qui a vraiment apporté quelque chose de neuf à cette scène. T’as des labels comme Tram Planet RecordsAtrophy Records, des gars de Nashville qui font bien évoluer les scènes post punk, acid/techno, vachement électro… j’adore ça. 

En parlant d’Happy Mondays, ça peut paraître surprenant mais ils ont joué à Ibiza il y a quelques années. De ton côté tu y as joué pour la première fois il n’y a pas longtemps ? 

Ouais j’y étais il y a deux semaines, pour moi c’était « wow » de jouer là-bas, même si ça n’a plus forcément le même sens.

Quand j’y étais j’ai joué au DC10, un club emblématique comme l’Amnesia par exemple. Il est connu pour être le plus « underground » d’Ibiza on va dire, et c’est celui qui va offrir des line-up différents, autres que la tech-house qu’on trouve habituellement là-bas. Se retrouver sur le line up avec Carl Craig, Eclair Fifi et Bambounou, c’était incroyable ! C’était ma première fois donc je ne sais pas si j’étais vraiment prête. T’as une dose de stress parce que c’est une étape, c’est Ibiza quoi ! J’ai jamais fait le Berghain et c’est pas quelque chose pour lequel je serais à cran à l’idée de le faire. Ibiza, c’est différent pour moi.

Peut-être parce qu’on t’attend moins à Ibiza qu’au Berghain ?

Oui voilà, et le fait de pouvoir présenter ce que je faisais à Ibiza, sur un line up comme ça, c’était assez impressionnant. Je me suis dit « putain, ça y est je l’ai fait » quoi !

Surtout que j’ai eu des bons retours, même si j’étais un peu en stress de présenter mon set. J’atterrissais à 18h pour jouer à 19h, autant te dire que j’étais dans une course totale. Je n’avais pas dormi depuis 48h, j’arrivais directement de Suède où j’avais terminé de jouer à 7h du matin, et là je me retrouvais à jouer une heure après l’atterrissage avec 5 minutes pour prendre une douche…

Ça t’arrive souvent d’enchaîner les dates comme ça ?

Je pense que mes agents aiment bien me faire courir en sortant de set, du genre me faire prendre un vol à 7h après avoir fini un set à 5h30 ! En tous cas ça fait un an que je commence à pas mal tourner et que je me fais des week ends bien sport. Mais c’est cool, je passe par trois températures différentes en trois jours !

On entend souvent parler du mal être des DJ qui sont souvent sur la route, c’est ton cas ?

Je l’ai un peu de temps en temps parce que je ne passe plus mes week-end avec mes amis maintenant, mais malgré ça je souhaite continuer. Le 31 décembre par exemple, il était 23h, j’étais à l’hôtel, j’ai vite demandé un taxi pour arriver à la warehouse en mode « je vais pas me taper un compte à rebours du nouvel an à mater mes textos » ! Alors que je jouais seulement à 3h du matin.

Il y a une date en particulier que tu as vraiment aimé, celle où tu as ressenti la meilleure énergie dans le public ?

Récemment je pense que c’était à Concrete, pour le Samedimanche où je jouais de 6h à 9h. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi fusionnel et incroyable. J’avais vraiment l’impression que le temps s’était arrêté et que la matinée n’aurait jamais de fin. C’était d’une puissance ! J’ai adoré.

Sinon ma tournée avec Mall Grab en mars dernier, où on a fait deux ou trois jours ensemble, c’était juste un plaisir total. T’es avec un pote et tu te marres juste à fond, c’est trop bien quoi ! On fait ce qu’on aime, on est entre nous, et on kiffe. T’as l’impression de tout dépasser. 

C’est marrant parce que vu d’Europe, on n’a pas forcément l’impression que ça bouge tant que ça aux États-Unis, enfin que les soirées et festivals techno/house soient aussi fréquents et populaires qu’ici.

Là-bas les soirées ne sont pas pareilles mais elles sont aussi hardcore. Les scènes DIY (do it yourself) viennent de chez eux, la vraie scène DIY. Nous en Europe on a eu pas mal de warehouses construits après la guerre, donc on a plus de lieux abandonnés pour faire la teuf, notamment en Europe de l’Est. Eux aussi ont cet état d’esprit, mais plus en mode Spiral Tribe. Tu mets un soundsystem dans une maison, tu installes un bar et c’est parti. On s’en fout si ça crache ou si c’est pas fort ! À Los Angeles aussi ils sont bien là-dedans.

Je pense qu’il ne faut pas oublier que la house et la techno qu’on aime, enfin que moi j’aime en tous cas, viennent des États-Unis. Et d’Angleterre aussi. C’était les plus forts en termes de raves et de soundsystems. Plus qu’en clubbing. Ils sont assez « schlag » dans le genre. Les fois où j’ai joué là bas quand je faisais mes tournées, c’est arrivé qu’on ne puisse pas jouer le soir parce qu’il y avait un « shutdown » par exemple. Si ça arrivait ici, on se dirait « bon tant pis, on n’a pas réussi à relocaliser la soirée, on la reporte ».

Par exemple je me suis déjà retrouvée à jouer à une soirée au Bossa Nova Civic Club où il y a eu une coupure d’électricité justement. Dans les heures qui ont suivi, je me suis retrouvée à jouer sur le toit d’un restaurant mexicain avec Baltra et Yaeji ! La fête ne va pas s’arrêter comme ça là-bas. S’il y a des « shutdown » c’est parce qu’aux États-Unis, il y a une loi qui interdit aux clubs qui n’ont pas la licence « cabaret » d’avoir plus de trois personnes sur le dancefloor sous peine d’amendes et de fermeture*. Cette licence est quasi impossible à avoir. 

Sinon à Chicago, je me suis retrouvée à jouer dans un hangar, et les organisateurs avaient l’intention de faire la fête jusqu’à ce que la police arrive et que ça s’arrête. Ils ont moins peur de ce genre de choses là-bas.

*cette loi a été abrogée le 27 novembre 2017.

En parlant du Bossa Nova Civic Club, tu as vécu à New York et c’était un peu ton QG je crois ? Si t’es allée t’installer là bas est-ce que c’était justement pour aller découvrir cette scène DIY de l’intérieur ?

La scène DIY que j’aime personnellement, ça vient plus de la scène punk dans laquelle j’ai grandi, donc plutôt de la côte Ouest des États-Unis : Olympia, San Francisco, etc. Et quand j’ai découvert New York, c’était tout juste l’ouverture du Bossa Nova Civic Club. C’était l’époque ou Terrekke, Patricia, J. Albert et tout ça étaient encore là bas et ont amené cette house plutôt noire, ultra « moody » et « lofi ». Je les admirais beaucoup et c’est eux qui ont faire vivre le Bossa Nova. Le club est au premier étage d’une maison. Tu sais pas que c’est un club, et quand tu rentres t’as l’impression d’être dans un film de David Lynch, c’est magique ! Ma première nuit là-bas, c’était incroyable, il y avait une telle émulsion. C’était trop beau de voir ça tous les soirs.

Tu quittes ensuite New York pour t’installer à Paris. Au début c’était à contre coeur du coup ? 

Complètement. En fait mon visa se terminait donc j’ai été obligée de rentrer. Et j’ai bien pleuré car quand je suis revenue, j’ai atterri à Villeneuve la Garennes, et j’avais perdu les clés qu’on m’avait données pour la collocation dans laquelle je devais aller m’installer. Je me suis retrouvée à la porte. Mais quand j’ai enfin pu rentrer je me suis dit « il faut absolument que je reprenne un billet, il faut que je reparte ». La magie s’arrête un jour mais j’ai fait ce que j’avais à faire !

Dans une interview pour Mixmag, j’avais lu que tu portais un intérêt « sociologique » pour la musique. Comment ça t’es venu ?

Ça m’est venu dans mon adolescence. J’ai un grand frère qui m’a vachement éduqué à ça et m’a appris l’évolution du hardcore et du punk. J’ai découvert les free party, la drum and bass, la jungle… Et ça a nourri mon intérêt parce que tu découvres ça quand t’es en train de grandir, tu changes en tant que personne, de style vestimentaire, d’environnement… C’est quelque chose qui m’a marqué. Je suis passée d’une meuf qui écoutait la radio à une autre qui voulait appartenir à une ethnie. J’ai toujours évolué comme ça, en creusant des styles et des cultures musicales différentes. À, la fac je travaillais vachement sur l’adolescence et sur pourquoi on était « fan ». J’ai évidemment moi-même été une énorme fan de groupes, c’est quelque chose qui me passionne énormément. Comprendre le fait de se voir à travers une idole comme dans un miroir alors qu’on ne la connaîtra jamais, pourquoi il nous fait exister alors qu’on ira juste à ses concerts ou pourquoi on est amenés à acheter chaque produit dérivé, etc…

Du coup pourquoi est-ce qu’on devient « fan » comme ça ?

Je pense que c’est pour combler certains vides, t’as envie d’être quelqu’un, du coup tu te fais une existence à travers ces gens-là. Quand j’ai aimé la new wave, c’est parce que j’étais dans une période où je souffrais énormément de mon adolescence. Je viens d’un enseignement catholique un peu hardcore, et du coup la sexualité, l’homosexualité, on me disait juste que c’était de la merde. Alors que dans la new wave c’est ultra asexué ou alors justement, c’est hyper transgenre. J’étais hyper passionnée par ça.

Après j’ai évolué vers les riot girl qui sont là en train de te dire « nous on est des meufs », et là tu découvres le féminisme, t’as 14 ans et ça te pète au cerveau, tu réalises tout ce que tu peux faire. J’ai découvert Miss Kittin, je me suis  dit « ah ouais je peux être une meuf méga darkos ». En fait, ces personnalités ou ces mondes que tu découvres, ils te remplissent à des endroits où t’as un vide culturel et te disent « voilà ce que tu pourrais être« . 

En parlant de féminisme, quel est ton ressenti sur le terrain des musiques électroniques ?

Je crois que tu t’adresses à la pire personne pour parler de ça (rires). Autant le féminisme dans les scènes punk je le comprends, mais dans la scène électronique il a été un peu utilisé à tort et à travers je pense. C’est quand même un phénomène de mode un peu, donc à partir de là c’est dur de dire que ça a vraiment évolué dans le bon sens. 

Comme le fait de dire que certaines DJ peuvent être bookées dans un but marketing ?

Faut pas oublier que ce qui compte, c’est la qualité et la culture avant tout. Si tu me mets une DJ meuf et que quand je lui pose des questions sur ce qu’elle joue elle sait pas me répondre, bah à quoi bon ? Mais comme un homme en fait. Il n’y a pas de « genres ». En ce moment on va « genrer » les choses parce que c’est le truc du moment. Mais si on arrêtait de faire ça et qu’on parlait plus d’une culture, d’une proposition, du fait de développer une connaissance pour des gens qui n’en ont pas forcément ou qui n’ont pas eu le temps la développer, là ça va m’intéresser. Que ce soit un homme ou une femme. Du coup, le féminisme 2018 c’est horrible mais je l’appelle vraiment le féminisme H&M. C’est un féminisme de masse. Ce qui m’a fait grandir c’est plus la scène gay que la scène féministe dans le milieu des musiques électroniques.

Est-ce que tu penses que tu as déjà été bookée dans ce but justement ? Parce que tu étais une fille ?

Non je ne crois pas. J’ai pas non plus une approche politique de ma carrière. Je préfère m’occuper à être une archiviste et une sociologue de la musique électronique plus qu’autre chose. Je pense pas que je pourrais être cet atout féministe, parce qu’en attendant c’est pas forcément les femmes qui m’ont le plus aidé  de mon côté. J’ai toujours évolué avec des groupes de mecs qui m’ont juste pousser à faire ce que je fais, fille ou pas. Dans les milieux rock d’ailleurs c’est bien plus dur d’être une fille que dans les musiques électroniques. Quand je jouais du garage, j’entendais des choses que j’entendais pas forcément aujourd’hui. 

Finalement, les musiques électroniques c’est peut-être le style de musique dans lequel on serait le plus ouvert ?

Oui bien sûr, après ça a évolué tu vois. C’est comme le rap, maintenant tout le monde aime le rap alors qu’avant en France personne n’aimait ça parce que c’était quelque chose d’incompris. La techno c’est pareil, tout le monde veut en écouter. Avant on avait cette image des free party, des mecs crado habillés en militaire qui allaient faire la teuf, enfin en France en tous cas, mais beaucoup moins maintenant.

Il y a 4 ans j’ai pris un covoiturage et on parlait de techno. Une nana m’a dit « pour moi la techno c’est comme si t’écoutais un battement de coeur ». Il y a encore beaucoup d’efforts à faire. Mais là on est en 2019 et tout le monde se sent capable d’aller en club !

Parfois tu regrettes que ce soit si « populaire » ? Tu aimerais que ça reste un peu plus réservé à un public initié qui comprenne vraiment le sens de cette musique ?

C’est un peu le tiraillement quand tu aimes la musique. Mais comme pour toutes connaissances d’ailleurs : est-ce que tu veux garder ça pour toi, ou est-ce que tu veux éduquer la masse ? Moi personnellement ça a été un énorme deal ces dernières années où je me suis dit « non, je ne veux pas me vendre ». Mais au bout d’un moment tu te dis que t’aimerais donner la possibilité aux gens d’écouter autre chose. Donc il y en a beaucoup dans les scènes plus « underground » de la techno qui vont me voir comme quelqu’un de « facile », qui va faire telle ou telle soirée… Mais au final je me dis « ouais et alors, pourquoi pas ? ».

Vendredi avec Mall Grab par exemple. Il est connu pour être en mode disco house, même s’il change en ce moment. Mais pourquoi je pourrais pas jouer avec un gars comme ça, justement ? Finalement tu aimes ou pas, mais on me donne l’opportunité, donc je la prends. Il faut donner la chance aux gens de découvrir quelque chose de différent, qui va changer de ce qu’on leur donne sur Mixmag ou Resident Advisor par exemple. 

Le plus beau compliment qu’on m’ait fait dernièrement c’est une personne qui m’a dit que si elle m’avait jamais entendu en DJ set, elle n’aurait jamais écouté le style de musique que je jouais, et elle n’aurait jamais été stimulée pour découvrir d’autres styles de musique.

Un autre truc qui m’a énormément touché, ça venait de vieux de la vieille de l’univers des free party qui m’ont dit « on te booke parce que ce que tu joues, ça nous rappelle quand on allait à nos premières free en 93 ». Quand on m’a dit ça, je me suis dit que j’avais pas passé ma (jeune) vie à vouloir comprendre et à découvrir la musique pour rien.  Quoi de mieux sérieux ? En tous cas c’est kiffant parce que c’est tout ce que je recherche, présenter l’histoire des musiques en quelque sorte. Pour moi c’est le job en fait, de jouer ce rôle d’historienne un peu.

Tu as déjà mené beaucoup de projets : label, fanzine, direction artistique… Et quand on t’entend parler sociologie et histoire de la musique, on se dit que tu pourrais presque te mettre à écrire un livre. Tu y as pensé ?

Justement, je suis en train de travailler sur un magazine qui parlerait de la sociologie de la club culture. De l’architecture, du design, de l’urbanisme…  Par exemple de savoir pourquoi avant on excluait les clubs des villes, et pourquoi maintenant ils y reviennent, des collectionneurs, du fanatisme, bref de tout ce qui entoure la musique mais sans parler de la musique en elle-même. 

Notre conclusion signature : la vie est dure, qu’est-ce qui te l’adoucit ?

Un MacDo, c’est clairement mon vice, genre un Maxi Best Of CBO, potatoes, saucre creamy bien sûr, une Badoit pour la conscience, et un croque Mc Do !

Vendredi 25 janvier : Mall Grab all night long: Looking For Trouble Tour w/ Miley Serious