Quoi de mieux pour défricher l’entièreté du festival des Nuits Sonores qu’un entretien en fin de matinée avec un de ses créateurs, Pierre-Marie Oullion alias Pims, installé dans son bureau à Lyon et en pleine préparation de l’édition 2017. Fondamentalement humble et emprunt de sincérité, Pierre est réaliste et surtout passionné par la scène lyonnaise en plein essor. Beaucoup de souvenirs et d’expériences que chacun peut vivre en s’immergeant dans le festival.
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Parle nous des Sheitan Brothers, ton duo avec Patrick Lallemand. Votre premier EP « Road666 » est sorti début 2017. Je lisais la description « Un produit chamanique et vaudou offert en pâture au dancefloor », tu nous expliques ?
Le produit toxique ! (rires) C’est un projet qui est venu bien après Nuits sonores, un peu « extérieur » à ce que je fais ici. L’idée c’est que ça partait d’une blague avec Patrick, et globalement ça a prit un peu d’ampleur, du coup on en est venus à sortir l’EP parce qu’on voulait donner plus de corps au projet, et je crois que ça explique quelle musique on aime partager et l’état d’esprit dans lequel on est.
Et vous aviez fait un podcast pour Dure Vie !
Oui il y a un petit moment maintenant, on avait fait un beau visuel aussi. L’idée c’est quand même de s’éclater, pour moi la musique c’est une passion et ça me permet de la vivre un peu différemment, de manière beaucoup plus détendue.
Raconte-nous tes débuts au sein de l’aventure Nuits sonores, et avant ça avec l’équipe d’Arty Farty. Comment décrirais-tu l’évolution de la direction artistique de ces différents projets ?
Pour faire le point : la genèse du projet vient de l’association Arty Farty, créée à l’époque par Violaine Didier, Frederic Joly et Cécile Chaffart qui réalisaient un festival au bon goût électronique qui s’appelait justement « Arty Farty ». Même si l’idée restait surtout d’associer art contemporain et musique électronique innovante !
D’un côté il y avait cette association, et de l’autre des personnalités qui venaient plutôt de la culture électronique techno, de la scène rave de la fin des années 90, que ce soit des artistes ou des acteurs qui contribuaient à cette scène comme Vincent Carry, journaliste, organisateur et gérant d’un magasin de disques autour de ça, ou encore Patrice Moore – un des fondateurs de la Techno Parade. Après des discussions avec la municipalité qui venait d’arriver, l’équipe de Gérard Collomb souhaitait soutenir un projet en direction des jeunes, et tous les acteurs du projet ont réussi à le convaincre en faveur d’une alternative autour de cette culture. C’est suite à la fusion entre l’équipe d’origine et tous ces acteurs que s’est dessiné le festival Nuits sonores.
Et tu faisais quoi à ce moment-là ?
J’étais étudiant et je cherchais à me faire une expérience professionnelle. À l’époque j’avais justement fait un stage chez Arty Farty, j’étais dans la musique depuis très longtemps (je pratiquais également le saxophone) et puis j’ai subitement décidé de me réorienter de l’histoire à la méditation des arts de la culture. L’idée c’était de monter des projets culturels et comme la musique a été assez fondamentale dans mon parcours, je me suis naturellement tourné vers ça !

© Brice Robert
C’est la 15e édition des Nuits sonores cette année. Tu écoutais quoi à 15 ans ?
Du rap français surtout !
Le projet naît donc en 2002. 15 ans plus tard, on observe le rayonnement exponentiel de la métropole lyonnaise sur la scène européenne. En tant qu’acteur majeur de son paysage culturel, comment as-tu ressenti cette évolution ?
Dans les années 90 j’étais assez jeune, donc je n’avais pas une vision artistique et culturelle raisonnée. C’est vrai qu’au début quand je m’y suis intéressé, les artistes percevaient souvent Lyon comme un « non-territoire » pour travailler et s’exprimer. L’offre culturelle était très bonne au niveau institutionnel mais elle vivait « moins bien » dans l’underground parce que Lyon était souvent perçue comme une ville très froide (même s’il y avait beaucoup d’initiatives), et les lyonnais partaient souvent à Paris pour pouvoir bosser… Fondamentalement, ce qui a changé c’est que Lyon était une belle endormie : il y avait tout pour que des collectifs, des labels et tout un réseau de lieux alternatifs qui se battaient pour leur travail, puissent s’approprier le terrain et révéler la place que la ville devait occuper dans le champ culturel français.
Avant vous, est-ce qu’il y avait un exemple qui commençait à émerger ou tu définirais Nuits sonores comme une de ses premières grosses occasions ?
Comme je le disais je n’ai pas vécu cette période là, mais il y a eu une grosse période de raves, quelques clubs comme le Zèbre, et bizarrement il y avait plutôt des boîtes de nuit qui avaient parfois un peu de programmation. Personnellement j’ai fait ma culture musicale à l’ancienne Marquise avec toutes les soirées Ninja Tune qui étaient sur ce créneau-là, le Fish qui était une vraie boîte de nuit avec des gens comme Carl Craig ou certains artistes house au milieu d’une prog’ horrible, mais il y a eu quelques lieux (sur le créneau indé/punk/rock) qui de temps de temps arrivaient à sortir un peu du bois. Je pense aussi au Ground Zero, un collectif associatif qui était très actif dans les concerts.
En 15 ans, il y a eu une forte concentration dans les métropoles. Victimes du phénomène de gentrification, les centres-villes sont devenus l’objet de spéculations financières et se vident un peu de leur substance. Lyon n’étant pas une énorme métropole, le phénomène est plus long qu’à Paris, Londres ou New-York. Mais la problématique est simple : qui dit augmentation du coût de la vie dit initiatives artistiques, et il y a de manière générale une concurrence plus forte à Paris. Lyon a la bonne taille pour conserver un dialogue global entre tous ses acteurs, contrairement à la « Ville-Musée » où les évènements commencent à s’exporter dans les warehouses. Les gens ont envie d’autre chose, de sortir des carcans des clubs, avec par exemple l’Alter Paname qui marque un grand retour à l’underground et encourage de nouvelles possibilités.
Quelles sont les valeurs fondatrices de Nuits Sonores ?
Nous avons une exigence artistique forte. L’ADN du projet, c’est le fait d’être un festival urbain et donc un laboratoire expérimental dans la ville. Il faut changer les codes à ce niveau-là. Notre indépendance est également intrinsèque au projet Nuits sonores au sens où l’on peut travailler à la fois avec une institution publique et une association plus « confidentielle ».
Une partie des Nuits se déroulera dans le site inédit des Anciennes Usines Fagor-Brandt, réaménagées pour l’occasion jusqu’à pouvoir accueillir 14 000 personnes…
Aujourd’hui on a une équipe très expérimentée, parce qu’il faut dire que je ne sais plus combien de sites on a pu investir depuis ! (rires). Ici le dossier est un peu plus massif, mais ce qui est intéressant (et paradoxal) c’est que lorsqu’on est arrivés sur le site avec l’équipe technique et d’architecture, on était plutôt très excités que flippés par le projet. Il a ensuite fallu mettre en place tout un processus de négociations avec les propriétaires ou les pouvoirs publics pour qu’une partie des travaux effectués vise à asseoir les lieux, sans compter un dossier avec tous les aménagements à mettre en place en termes de sécurité.
Maintenant on arrive même à s’organiser sur le long terme, sachant que c’est quelque chose de compliqué d’appréhender toute une année. Il faut en comprendre le fonctionnement, les flux qui vont se créer, la scénographie… et on a toujours de l’appréhension sur comment ça va se passer et comment le public va investir le lieu et s’y balader ! Ce sont des indices très importants et c’est notre manière de travailler qui fait qu’aujourd’hui on arrive à appréhender ces flux et ces publics de manière plus optimisée et plus intéressante. C’est donc ça l’enjeu : est-ce qu’on a bien pensé les choses, plus que l’endroit en lui-même.
Et ce lieu, il devient quoi après ?
Notre travail se situe dans l’interstice de la vie d’un bâtiment, c’est à dire son entre-deux fonctionnel. Par exemple on avait investi l’Hôtel Dieu à Lyon, un ancien hôpital qui devait être amené, après 5 années transitionnelles, à devenir un hôtel cinq étoiles. Maintenant, ce qui est intéressant c’est qu’on arrive à pérenniser notre travail. Généralement ça permet aussi aux pouvoirs publics et aux entreprises de comprendre la portée patrimoniale de ces bâtiments, et de fait de les conserver pour leur donner une nouvelle destination. Il y a des lieux qui ont été détruits après notre passage, mais on essaie de sensibiliser leurs acteurs à toutes ces destinations possibles.

© Brice Robert
La Sucrière, Les, Subsistances, Le Sucre, L’Auditorium de Lyon mais aussi les clubs de La Plateforme, Le Bellona Club, Le Ninkasi, Le Petit Salon, Le Transbordeur et beaucoup d’autres lieux privés et publics, c’est véritablement toute la ville qui est investie ! Comment on gère autant de sites à la fois ? Et surtout comment on bloque une ville entière le temps d’un festival ?
Depuis le début, Nuits sonores est co-écrit avec nombre d’acteurs lyonnais. On a par exemple un dispositif comme le Circuit où l’idée est d’amener un financement pour créer des contacts et un focus de communication sur des lieux qui fonctionnent à l’année, en leur demandant de voir grand et de travailler différemment. Il y a beaucoup de gens qui se sont investis depuis le début via ces dispositifs.
Avant on avait notamment le « parcours associés » qui s’est transformé en projet Extra! : on offre la possibilité à des individus qui n’ont pas forcément fait de projet culturel au préalable de le construire avec nous dans Nuits sonores, et on les accompagne dans leur démarche (créer une asso, trouver un lieu, trouver du financement, etc). Mis bout à bout, je pense que l’on a dû travailler avec 100 ou 150 associations différentes et c’est aussi grâce à chaque membre de l’équipe d’Arty Farty qui amène ses ressources et son propre réseau à participer à l’évènement. L’idée c’est d’être un évènement fédérateur mais d’abord de fédérer les acteurs. Aujourd’hui on concentre beaucoup de monde, tant dans l’organisation que dans la production de l’évènement.
Et… Tu dors des fois ?
(Rires) J’essaye en ce moment, mais oui on court depuis longtemps. Après on est une vraie équipe, donc ça permet d’être plus serein dans notre organisation !
Le duo AIR va donc ouvrir le bal (en live) pour la première fois à l’Auditorium de Lyon.
Depuis le début des Nuits sonores, le regard institutionnel a forcément changé sur notre organisation et notre évènement. On est passés d’une non-compréhension voire de la méfiance à ce qu’ils en viennent à nous appeler pour que l’on organise des choses ensemble. L’équipe de l’Auditorium a changé, et il y avait une véritable volonté du lieu de se rapprocher de ce qu’on fait. Je pense que les institutions culturelles sont un peu en crise, elles se cherchent et essaient de retrouver des valeurs symboliques auprès d’un jeune public. Ils essaient de comprendre qui ils sont en 2017, et c’est là où nous entrons en jeu pour apporter des pistes alternatives et un regard différent sur ces bâtiments. Dans le milieu de la musique électronique, c’est vrai que c’est une reconnaissance d’avoir accès à ces sites prestigieux.
Ça prouve en un sens que la musique électronique est finalement un genre musical assez poreux ?
L’électronique n’a jamais été une esthétique en soi, il est plutôt question d’un processus de production et de diffusion de la musique totalement révolutionnaire. On est dans un processus de création de cette musique qui symbolise cette révolution, et surtout une révolution générationnelle. Mais elle ne se situe pas dans une esthétique : l’électronique va du jazz à la techno, elle veut dire pleins de choses. C’est un processus d’écoute totalement différent aussi.
C’est un site prestigieux, il fallait que les artistes soient eux aussi mémorables ?
Oui bien sûr, généralement c’est ce qu’on appelle « le concert spécial », au début ou à la fin du festival. Le pont de l’armature, c’est d’inviter un artiste historique à chaque fois, que ce soit un artiste plus confidentiel qui a fortement marqué l’histoire mais qui ne se représente pas beaucoup, à une tête d’affiche comme Kraftwerk. Mais l’idée principale du rôle artistique que l’on s’est donné reste dans la médiation avec le public, on essaie de lui raconter l’histoire de l’émergence de ces musiques et de ces acteurs qui est assez peu documentée finalement. Air fait partie de ces artistes qui ont permis une réelle avancée des choses et qui ont amené une vision assez révolutionnaire pour leur époque. En permettant la popularisation de ces musiques en référence à l’électroacoustique, ils ont amené la musique électronique à être écoutée par des milliers de gens, et sont de fait importants au regard de l’histoire française.
Parle-nous des programmes parallèles (et intrinsèques) à Nuits Sonores : la Carte Blanche à Lisbonne, le Circuit, le forum European Lab, le Mini Sonore… Quels enjeux nouveaux permettent-ils ?
On a toujours eu une armature très complexe, l’European Lab étant vraiment un évènement à part parce qu’il pourrait ne pas se dérouler pendant Nuits sonores. L’idée c’est de créer de la porosité entre les deux parce que le festival est à l’échelle urbaine c’est qu’est l’European Lab au niveau international. Concernant les autres programmes, l’idée depuis le début était de proposer un festival « à la carte » qui autorise une certaine liberté au festivalier quel que soit son âge, confronté non pas à un parcours unique mais à DES parcours au sein du festival, et c’est cette richesse qui le rend intéressant et un peu novateur dans le paysage festivalier français.
Tu penses qu’aujourd’hui un festival doit innover – en plus de proposer une programmation intéressante ?
C’est plutôt une question de générations. Les festivals de ce que j’appelle la « première génération », avec comme modèle Woodstock, se sont construits sur cette idée de liberté et d’humanisme : on prend un lieu et ça devient une zone temporaire d’autonomie. On prend un champ, on met une scène, on installe un camping, etc. Je pense qu’à l’inverse on appartient à la « deuxième génération » des festivals comme le Sonar, c’est à dire créer des festivals dans le cœur de la ville via la révolution électronique et essayer de l’exploiter à contre-courant du patrimoine industriel. En somme, créer des vrais parcours dans la ville.
C’est un moyen pour que le festivalier devienne lui-même un acteur du festival ?
C’est aussi ce qui s’inscrit dans la révolution électronique : le festivalier ou l’auditeur est dans un processus de construction, il est véritablement acteur du projet qu’il vit. Effectivement le fait que chacun puisse avoir un parcours un peu singulier dans le festival, c’est d’autant plus fort pour nous parce que ça permet objectivement de créer la « porte » du festival. Et c’est permis grâce à une ville que l’on transforme, dans un cadre différent et complètement inédit, surtout pour les lyonnais qui voient leur ville sous un autre angle. L’expérience est immersive et intéressante parce que le festivalier n’est pas « parqué » dans un site mais il peut au contraire expérimenter des choses dans le festival. L’expérience globale des Nuits sonores va donc beaucoup plus loin que ce que peuvent proposer d’autres festivals, et finalement, le plus gros pari, c’est de faire adhérer les citoyens d’une ville au projet
Le festival ne se limite pas à Lyon et à la France : les Nuits Sonores se sont notamment déjà implanté à Tanger ou Séoul, et prochainement Bogota. Quelle ouverture pour le festival ?
On a fait Bruxelles l’année dernière, et on part effectivement à Bogota en septembre. L’idée c’est surtout d’amener cette expertise urbaine ailleurs, et de tester et découvrir un nouveau territoire. C’est ce qui nourrit l’esprit de Nuits sonores ! La Carte Blanche a également ce rôle d’alimenter à la fois notre connaissance du monde en essayant d’amener les traits de caractère spécifiques d’une ville dans le festival. C’est une ouverture qui nous amène parfois à nous dire qu’on peut amener un regard extérieur à ces villes, voir quels sont les réseaux et la dynamique et essayer de proposer quelque chose qui les mettent en valeur.
Comment décidez-vous des villes tributaires des Carte Blanche ?
C’est évidemment un choix collectif, on décide tout ensemble. Il y a plusieurs choix qui concourent à ça, et l’idée c’est d’abord de voir les villes où ils se passent quelque chose. Lisbonne a une vie et des artistes nouveaux qui sortent régulièrement, et c’est intéressant parce que parfois ça nous arrivait d’être un peu en avance ou un peu en retard (c’est le cas pour Lisbonne), mais ça nous paraissait indispensable de le faire. On cible les villes, puis on fait ensuite évidemment des voyages de repérage qui ont pour but d’aller découvrir d’autres acteurs qui ne nous semblaient pas forcément évidents au premier abord.
Comment définirais-tu le public Nuits sonores ?
Les artistes qui viennent jouer à Nuits sonores nous disent souvent que notre public est très à l’écoute de leurs performances, et il est évidemment fidèle et très concentré au fil de années. En termes d’audiences, on grandit chaque année et ce qui est intéressant c’est qu’on n’ « explose » pas ! C’est quand même raisonné. Je pense évidemment que certains festivaliers ne retrouvent pas ce qu’on proposait à nos débuts puisqu’on a grossi, mais il y a quand même une fidélité assez grande sur le festival. Le public a besoin d’expériences un peu inédites et c’est aussi ce qu’on cherche à proposer, d’autant plus que chaque année leurs goûts s’affinent. Il y a d’un côté le « grand public » qui est là pour l’expérience, et de l’autre un public qui vient pour écouter des choses assez pointues musicalement parlant.
Le brassage entre tous ces festivaliers est efficace, même si on a à coeur de l’emmener sur plusieurs terrains. Quelque part on a enlevé les grosses machines de la techno ou de la house des Nuits pour s’écarter de ce côté « énorme festival », et on a préféré les mettre en journée avec un public qui est plus mature dans cette approche. Sur les Nuits on a un public plus jeune, plus frais, et du coup on essaie de l’amener à voir plutôt des expérimentations sonores différentes. Ça permet un mélange dosé entre les Days et les Nuits.
Après Laurent Garnier, MCDE et Seth Troxler en 2016, vous avez choisi de confier carte blanche en journée à Nina Kraviz, The Black Madonna et John Hopkins…
On les amène effectivement à programmer trois scènes, l’idée de ce programme étant de fidéliser des personnalités artistiques au festival. On est dans un contexte économique où il y a énormément de bookings, cette sphère-là a explosé et il y a une économie de marché assez sidérante. Ce qu’on arrive à faire avec le programme des « Days With », c’est justement sortir de cette relation avec les artistes qui peut parfois être un peu superficielle pour leur demander de s’investir pleinement dans le festival et en retour nous leur faisons confiance dans leur choix. Ça valorise réellement leur profil musical parce qu’en plus de leur personnalité d’artiste, on peut deviner leurs influences et appréhender au mieux leur univers. Ça permet d’enrichir aussi la proposition artistique que l’on peut faire.
Les choix des artistes vous ont-ils parfois surpris ?
Oui oui (rires), il y a évidemment des choix très surprenants. À la base Nina Kraviz voulait inviter DJ Shadow et s’orienter hip hop, on ne l’a pas freiné mais on essaie d’accompagner l’artiste en lui expliquant bien les différentes scènes et les différents dispositifs, les artistes qui ont joué avant, etc. On les accompagne aussi en leur soumettant de créer des line up qui soient globalement cohérents, mais on leur laisse vraiment une quasi-totale liberté, si ce n’est la limite financière et de connaissance du territoire ! Il faut savoir que l’on ne contacte pas n’importe quel artiste pour ce programme, il s’agit toujours d’artistes qui ont déjà joué à Nuits sonores auparavant, qui connaissent le festival et la ville.
La meilleure édition Nuits Sonores depuis le début ?
L’édition du 10e anniversaire a été particulièrement forte. Et puis de manière générale, les premières éditions ont été riches en émotions, ça a été une aventure humaine très forte. Les cinq premières c’était vraiment un truc de fou, on allait au bout de nous-mêmes, et la fin était toujours un moment d’explosion magique parce que toute notre année était focalisée dessus. Aujourd’hui on a forcément une perception différente du festival parce qu’on a monté beaucoup de projets autour – comme le Sucre. Avant, Nuits sonores c’était l’aboutissement, la consécration d’une année, et il se passait moins de choses à côté d’aujourd’hui.
Le pire fail ?
Dans l’artistique, généralement ce qu’on vit mal ce sont les annulations d’artistes. Une fois on a eu l’annulation de MF Doom, une des têtes d’affiche de la soirée ! Mais dans ces moments-là ça nous conforte aussi dans l’idée que les gens sont intéressés par le festival en lui-même et pas forcément par les headliners.
Après avoir invité autant d’artistes, à quel degré échelonnez-vous la différence entre headliners et découvertes ?
Évidemment on aimerait vraiment avoir Daft Punk, mais je pense qu’on est arrivés à un niveau de programmation où ce qui nous branche le plus ce n’est pas tellement de booker des artistes incroyables, mais justement d’aller sonder l’inconnu. Tout le terrain, tous les gens qu’on découvre au Moyen-Orient, les personnalités un peu crossover : on est pleinement dans la découverte. Le but c’est aussi de fidéliser des artistes au festival, de créer des relations avec eux, et c’est à ce moment-là qu’on peut s’aventurer sur des terrains plus qu’intéressants. Quand on a décidé de laisser carte blanche à Jon Hopkins, on a été heureux qu’il nous propose des choses un peu latines. Ce qui est un peu décevant aujourd’hui dans le monde de la musique c’est que ça devient une industrie, et très rapidement une question d’argent…
C’est pour ça qu’on essaie de montrer autre chose en s’éclatant à amener des artistes sur un plateau qui pourrait faire sens ou à faire jouer un groupe qui n’est pas trop connu à une belle heure, dans un beau moment cohérent qui pourra fonctionner. C’est là qu’on peut rêver à des vraies collaborations : Floating Points avait fait une belle dédicace au festival avec son track « Nuits Sonores » : il avait finalisé le morceau à Lyon juste avant le festival dans sa chambre d’hôtel et avait eu le pressentiment de l’essayer pour la première fois en live face au public du festival. Ça a été un grand moment !
Chaque année, le festival se clôt au Sucre avec un plateau exclusif et souvent très attendu du public. On se souvient du trio exceptionnel DJ Harvey, Laurent Garnier et Daniel Avery en 2016. Un petit indice cette année ?
Ce que je peux te dire c’est qu’il y aura deux grosses têtes d’affiche sur ce closing. Deux poids lourds qui sont très heureux de venir jouer… et qui ne sont pas sur le reste de la programmation des Nuits sonores !
Vous commencez déjà à travailler sur l’édition 2018 ?
Maintenant ça arrive que certains artistes nous posent la question très tôt lorsqu’ils commencent à envisager leurs dates sur le long terme. Mais c’est très rare. Notre timing est vraiment réfléchi : l’été on planche, et on attaque à la rentrée.
De quoi serais-tu le plus fier dans ton expérience Nuits sonores ?
La petite anecdote, c’est que mes parents ne sont pas du tout axés musique électronique à la base, ils sont tous les deux instrumentistes et m’ont pourtant soutenu directement, dès la première édition. Un soir, je rentrais chez moi, et j’ai surpris mon père qui regardait un DVD de Jeff Mills (rires). Au-delà de ça je pense qu’on réussit à amener un regard un peu différent sur ces cultures-là.
Où peut-on suivre les déambulations d’Arty Farty et Nuits sonores en 2017/2018 ?
On ouvre un restaurant à la Piscine du Rhône début mai, on s’envole à Bogota au mois de juin et puis on va songer à prendre quelques vacances (rires). On retrouve Nuits sonores à Bruxelles en septembre – sûrement le plus gros projet des Nuits sonores en-dehors de Lyon ! On sera sur une armature assez proche du festival, un Circuit, des Nuits principales et un European Lab.
Et puis chez Dure Vie, on aime aussi mettre en avant les producteurs émergents de l’hexagone. Quels sont ceux que tu as hâte de voir au festival ?
Les Sheitan Brothers déjà ! (rires). Plus sérieusement les Pilotwings, j’adore leur côté décalé, Pablo Valentino, LB aka Labat… Il y a une super génération à faire émerger et une bonne vibe qui en découle.
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