Crédit © Marie Rouge/BBX
À Paris et en France, le Barbi(e)turix est devenu le ciment de la scène club queer et lesbienne. Après de nombreux événements, dont sa célèbre résidence Wet For Me, le collectif lance aujourd’hui sa première compilation. 18 tracks techno, électro ou pop, signées Jeanne Added, Deena Abdelwahed, Irène Dresel ou encore Mila Dietrich. Rencontre avec RAG pour en comprendre les rouages.
Depuis sa création en 2004, le collectif Barbi(e)turix est devenu l’un des fers de lance à faire vivre la scène club queer et lesbienne, en faisant la part belle aux femmes artistes, et en créant un espace safe et fédérateur lors de ses événements. Dans ces lieux non-identifiés comme LGBTQI+, l’ambition est d’abord politique de « s’emparer de l’espace public« , et d’y installer notamment sa résidence itinérante, la Wet For Me, créée en 2009.
Dernier projet en date : Barbi(e)turix sort sa toute première compilation, en réunissant 18 tracks de 20 artistes issus de la programmation de ses soirées, dont Jeanne Added, Rebeka Warrior, Julia Lanoë en featuring avec Flavien Berger, Léonie Pernet, Deena Abdelwahed ou Hyphen Hyphen. Rencontre.
Après l’organisation d’événements, l’idée de cette compilation a été une évidence pour vous ? Vous produisez-vous même ?
Sophie Gonthier avait l’idée en tête depuis un moment mais j’étais un peu réticente, j’avais peur que ce soit compliqué à mettre en place et qu’on fasse les choses de travers. Ce n’est pas notre métier. Puis on s’est finalement jeté à l’eau. Accompagnée de Vale Poher, elles ont su me convaincre qu’il était important de mettre notre pierre à l’édifice, que même à notre niveau on pouvait mettre un coup de pied dans la fourmilière de la production et la distribution musicale.
BBX a failli être accompagné d’un grand label qui souhaitait finalement voir le projet pour 2020 ou 2021. On s’est dit « dans ce cas, on va le faire nous même, par notre propre moyen, c’est maintenant ou jamais« . On a toujours fonctionné comme ça depuis la création du collectif : DYI.
La compilation est entièrement auto produite !
Comment expliquez-vous le succès des soirées Wet For Me ? Comment la décrire à quelqu’un qui ne s’y est jamais rendu ?
La Wet For Me est une soirée lesbienne qui existe depuis plus de 10 ans, on a toujours travaillé pour la faire évoluer avec coeur et passion. C’est une soirée organisée par une équipe de meufs.

Nous n’étions pas à la base des promotrices de soirées donc on a toujours réfléchi en tant que lesbienne queer en pensant « public » et pas « rendement », avec toujours cet objectif de proposer une soirée qui rassemble en donnant de la visibilité et la priorité aux artistes féminines et queer. Ce n’est pas facile d’être lesbienne en France : homophobie, sexisme et agressions sont monnaie courante. On voulait créer un espace à nous mais ouvert à tou.te.s, qui nous ressemble, avec des artistes qu’on aime, une programmation pointue et accessible à la fois.
La décrire ? Je dirais en trois mots : libérée, humide et bienveillante !
Est-ce selon vous une problématique de devoir faire des compilations quasiment à 100% féminine et queer pour se faire entendre ? Etes-vous fières de ce choix ?
Ce choix s’est fait très naturellement, on voulait mettre en avant des artistes issu.e.s des programmations de nos soirées. Donc en toute logique féminines ou queer. Cela est un choix, en tout cas pour cette première édition. On a bien pensé à contacter certains artistes masculins mais on s’est rapidement rendu compte que ce n’était pas notre propos, pas maintenant en tout cas.
« On veut montrer au monde que les lesbiennes sont là, qu’elles sont fières, qu’elles sont pro et qu’elles savent faire la fête. On avait envie de sortir des caves qu’on nous proposait.»
On voulait se démarquer, proposer quelque chose d’innovant, avec des artistes qui peuvent manquer de visibilité. No rules, on l’a faite comme on avait envie de le faire, sans compromis et sans gnagnagna. Et je pense que c’est aussi cet esprit qui a séduit les artistes, sororité !
Votre ambition est d’abord politique, de “s’emparer de l’espace public” : vous nous expliquez un peu plus ?
Elle l’a toujours été. On veut investir, par la fête, les espaces où l’on nous attend pas. Si on veut gagner en visibilité, il faut entreprendre de nouvelles choses, travailler avec de nouveaux lieux.

La première soirée BBX a eu lieu en 2004, à La Flèche d’Or, une salle qui se situait dans un no (wo)mans land total de Paris, loin des clubs installés du Marais ou des Grands Boulevards. C’était osé à l’époque de ramener 1500 gouines au fin fond du 20ème arrondissement.
L’année dernière on a eu la chance d’organiser une nuit à L’Olympia, et il y a deux semaines une nocturne au Musée d’Orsay ! Sans compter les deux derniers étés, avec des évènements dans les friches éphémères de Grand Train ou de l’Aérosol. On veut montrer au monde que les lesbiennes sont là, qu’elles sont fières, qu’elles sont pro et qu’elles savent faire la fête. On avait envie de sortir des caves qu’on nous proposait.
Selon vous, votre message n’est-il pas assez porté et développé sur la scène électronique ? Y’a t-il un travail encore compliqué à faire ?
C’est un travail de tous les jours et qui est porté par de nombreuses associations et collectifs. Je pense au groupe She Said So., un réseau de femmes travaillant dans la musique, ou plus historiquement female:pressure.
Beaucoup de nouvelles initiatives se créent, des bonnes et des moins bonnes, mais ça veut dire qu’il y a encore un réel manque d’égalité et de diversité sur la scène électronique. Les choses tendent à s’améliorer, donc il ne faut rien lâcher.
Comment avez-vous fait la sélection des artistes présent.e.s sur la compilation ?
La sélection s’est faite très naturellement et simplement. Nous avons sollicité des artistes qui nous sont proches, avec qui nous travaillons régulièrement. Mais il fallait aussi que ce soit simple donc nous sommes parties sur des artistes françaises. Et tout le monde a répondu présent.e, ça fait chaud au coeur.
C’est pourquoi on se retrouve avec une compilation de 18 tracks, c’est énorme ! Mais il en manque encore tellement !
Est-ce la première d’une longue série ? Quels projets pour la suite ?
Ça fait echo à la question précédente, il manque tellement d’artistes avec qui on voudrait travailler dans ce cadre… Who knows, affaire à suivre !
Pour le moment on va se concentrer sur la release party, on organise une grande fête à la Station Gare des Mines samedi 19 octobre avec 10 artistes de la compile, une nuit de live et de DJ set, on vous attend nombreux.ses ! On vendra aussi en exclu un tirage de CD limité et numéroté.
Retrouvez la compilation sur ce lien, et toutes les informations de la release party sur l’événement Facebook.
