25 ans de Glazart : On a rencontré Arnaud Perrine, l'actuel directeur du mythique club parisien

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Le mythique Glazart, un des premiers clubs de musiques électroniques à ouvrir ses portes dans la capitale à la fin des années 1990, fête ses 25 ans. À l’occasion de cet anniversaire, nous sommes partis à la rencontre de son directeur, Arnaud Perrine

Dès votre première soirée techno en 1998, vous avez proposé une programmation défricheuse qu’on ne retrouvait quasiment pas dans les clubs parisiens. Comment a évolué votre identité musicale depuis 25 ans ? Avez-vous conservé l’esprit underground des débuts ? 

Elle a changé tout au long des 25 ans, elle s’est forcément adaptée à des mouvances. Les premières soirées qu’on a organisées étaient à la fois techno, house et trance. Puis dans les années 2000, notre programmation s’est tournée vers la drum’n’bass. Je dirais que notre spectre musical reste le même depuis nos débuts mais que le pourcentage change en fonction des modes et du public. 

Quand Glazart a été créé, aviez-vous une inspiration en tête?

Ce lieu a été créé en 1996 mais au départ c’était un lieu auto géré entre le squat et la salle de concert. En 1998, j’organisais des teufs quand un pote m’a dit qu’il avait un plan pour programmer quatre soirées au mois d’août dans une salle parisienne. Et il m’a emmené ici. Il n’y avait personne dans la musique électro mais ils nous ont accueilli les bras ouverts. Au final, c’était quatre soirées organisées entre potes. J’avais fait la programmation avec 15 potes qui étaient pas partis en vacances et mon téléphone. En août il n’y avait aucun évent sur Paris, le Rex était fermé et on était les seuls à proposer des soirées techno. On a réussi à réunir tous les milieux gay, teuf, house, techno, drum’n’bass. Le Glazart est devenu le pôle d’activité de Paris au mois d’août et on a fait complet sur les quatre dates. 

À ce moment-là il n’y avait pas beaucoup de moyens de communiquer sur ces soirées, comment avez-vous fait pour ramener autant de monde? 

On avait fait des flyers et on savait où les mettre. Ça peut paraître dingue mais à ce moment-là la communication c’était avant tout le bouche à oreille et les flyers. Les gens avaient une autre manière de s’informer. Les magasins de disques étaient fréquentés à 80% par des personnes qui venaient pour récupérer les flyers des soirées. Pour avoir l’adresse d’un lieu, il y avait une boîte vocale où on devait taper diez étoile 41234 un truc chelou (rires). La communauté était plus restreinte, moins mainstream donc l’information allait vite chez les gens concernés. Comme il n’y avait aucune soirée en août cette année-là, on a réussi à blinder nos quatre événements avec des gens très différents. 

Avez-vous été surpris du succès de ces quatre premières soirées ? Pensiez-vous déjà à investir le lieu de manière permanente ? 

Non, j’ai surtout été surpris de voir 2000 CRS en sortant (rires). Il y a une caserne à côté, et j’ai capté que c’était la première soirée organisée à côté de CRS. Jusqu’à maintenant on faisait des teufs et ça avait toujours fonctionné. On a traité ces événements comme des teufs pas comme des soirées club. Alors qu’au final c’était nos premières soirées légales avec une sécu. Le plus surprenant c’était pour l’équipe du lieu qui n’avait jamais organisé de soirée techno. L’un des régisseurs était venu me voir en me disant « Mais la musique, ça va être comme ça toute la nuit ? Ça s’arrête à quelle heure ? » et moi qui lui répond « T’es fou il est 2h ça vient juste de commencer». Un décalage assez fou. Comme le lieu n’était pas équipé, on avait ramené notre matos son, nos platines, nos lights… C’est pour ça qu’on avait vraiment l’impression d’organiser une teuf. 

Le nom Glazart existait déjà à ce moment-là ? 

Oui, le lieu s’appelait déjà Glazart. J’étais juste organisateur au départ, et les quatre premières soirées s’appelaient QG. Après ces événements, l’équipe du Glazart nous a demandé si on était partants pour organiser des soirées à l’année avec des dates mensuelles. On a foncé et après c’est devenu de plus en plus récurrent. Je suis devenu directeur du lieu en 2008  puis président de l’association en 2018. Pendant longtemps, on s’est demandé si on devait changer le nom. Mais les responsables de l’époque ne voulaient pas et quand j’ai pris la présidence je me suis dit qu’après tout ce qu’on avait fait sous ce nom ça servait à rien de changer. Ce n’est qu’en 2015 que j’ai appris ce que Glazart voulait dire (rires). En fait Glazart est inspiré du film Orange Mécanique et veut dire « regarder l’art ». 

Justement, quel est le rapport de Glazart aujourd’hui avec la pratique artistique en dehors des live et des DJ sets? 

On fait pas mal de concerts et on a recommencé à faire des expos avec différents types d’art. Après, c’est vrai que depuis quelques années on s’est concentrés sur le son. Avant on portait plus d’attention aux expos d’art graphique, mais cette forme d’art est beaucoup moins liée au milieu qu’avant car les flyers et les affiches sont moins présents. Ça s’est perdu mais on tente de relancer un peu l’art graphique avec des artistes. Au début de nos soirées, l’aspect graphique était très important. On avait créé un concept de soirées « Parisjuana » où on créait des flyers en détournant des marques comme OCB, la Vache Qui Rit… ça faisait tripper les gens d’avoir ces graphismes sur un support papier et c’était délirant à faire pour nous. 

Quels artistes es-tu fier d’avoir programmés ou révélés au Glazart ? 

Je pense directement à Miss Ficelle, une DJ Drum’n’bass qui ne se produit plus aujourd’hui mais qui a vraiment permis une diffusion de la drum’n’bass à Paris lorsqu’elle était résidente ici. Elle a participé à faire du Glazart un véritable temple de la bass music à ce moment-là. Il y a aussi Chloé Thévenin que j’avais contactée pour les premières soirées Parisjuana et qui est venue jouer au Glazart en 2001 alors que dans la tête des gens Glazart et Chloé ça va pas forcément ensemble (rires)

En 25 ans de fête au Glazart, quels ont été les événements les plus marquants ?  

La première fois qu’on a fait le club sur LaPlage. Depuis nos premières soirées en 1998 j’avais envie de faire un truc dehors et de mettre à profit cet immense parking à l’extérieur. On y a d’abord organisé des concerts puis on a créé l’un des premiers open air de Paris en 2015 avec LaPlage 2.0. C’était incroyable de pouvoir enfin réaliser ce projet après 15 ans à y réfléchir. 

Après avoir ouvert les open air Jardin21 en 2018 puis le devenu incontournable Kilomètre25 en 2021, quels sont vos futurs projets ? 

On a encore un petit projet qui s’avance pour la fin d’année mais c’est encore une surprise. 

Depuis quelques années des rumeurs de déménagement circulent au sujet de Glazart, est-ce que vous allez vraiment changer de lieu ? 

Il y aura sûrement un déménagement mais quand, on ne sait pas. En 2006, on a reçu une injonction de quitter les lieux dans le cadre du projet réaménagement du Parc de la Villette. On est en 2023 et il n’y a toujours rien mais peut-être que dans deux ou trois ans ça sera différent. Le quartier est resté très underground et ce qui est marrant c’est que lors des comités de quartier, les riverains et les commerçants soutiennent le Glazart (rires). Ils ne veulent pas qu’on parte et ils estiment que lorsqu’on est ouverts, le quartier est plus safe. 

On fête comment les 25 ans alors ? 

Pour les 25 ans, j’aurais pu faire venir des gens d’il y a 25 ans, mais aujourd’hui les choses ont évolué et je ne trouvais pas l’idée du Revival si intéressante. Après le covid on a créé les after qui marchent bien autour d’une communauté de 12 résidents. Il y a des artistes que je connais depuis 25 ans comme Jee avec des nouveaux comme Hayashi, Double Trouble… On s’est dit qu’on voulait les mettre en avant parce que c’est eux qui représentent l’âme du Glazart aujourd’hui. Lors de la fermeture administrative, les résidents ont pris parti pour nous. Depuis quelques années, on essaie de mettre en place un maximum de choses pour lutter contre les agressions. On a créé le poste d’Ange Gardien, avec des employés qui sont formés et payés pour veiller à la bienveillance dans le club. On travaille également toujours avec le même prestataire de sécurité qui correspond à l’éthique de la maison. Les résidents sont devenus nos portes paroles aux côtés d’autres organisateurs qui ont aussi pris notre défense dans cette affaire. C’est vraiment avec nos résidents qu’on avait envie de fêter les 25 ans. La période du covid a été dure pour beaucoup de lieux festifs et d’organisateurs et les résidents font partie des gens avec qui on a pu se relever après les mois de fermeture. Ils se connaissent pratiquement tous et ont tous des profils très différents : des jeunes, des vieux, des filles, des mecs… Ils ont tous des points de vue différents sur la musique et on trouvait ça intéressant de créer des rencontres musicales entre eux. Les DJ sets de l’événement seront longs, entre 2 et 3 heures, ce qui permettra aux artistes de créer des performances progressives en se rapprochant du style du DJ qui suivra. On veut vraiment montrer que les musiques électroniques sont ouvertes en décloisonnant les genres et en mixant les esthétiques. C’est pour ça qu’il y aura pas mal de B2B improbables pour cet évent. 

Ça se passera quand ? 

Tout le week-end du vendredi 23 au dimanche 25 juin. Le dimanche ça sera after et Open Platines. On ne sait pas encore tout ce qui va se passer, mais le but c’est que les résidents et le public se fassent plaisir. 

Vous avez créé le label After O’Clock en fin d’année 2022, avez-vous prévu une sortie spécifique pour votre anniversaire? 

Pour les 25 ans spécifiquement non. On a décidé de faire des sorties en saison, on a déjà sorti le various d’été donc on sortira celui d’automne juste après l’événement. 

Que répondez-vous à ceux qui voient uniquement Glazart comme un lieu d’after et pas un lieu de découvertes musicales à part entière ?

Beaucoup d’artistes qui jouent maintenant à l’international viennent rejouer ici parce qu’ils se sentent chez eux, comme Koboyo par exemple. Peut-être que la stigmatisation du Glazart vient de l’emplacement à la Porte de la Villette et de tous les stéréotypes qu’il soulève. La mode des afters s’est pas mal répandue depuis quelques années et on se rend compte que beaucoup n’y viennent pas pour la musique mais aussi pour suivre la tendance. La création de ces after a permis au Glazart d’être de nouveau mis en lumière, comme le sont d’autres clubs pour d’autres raisons à un moment de leur histoire. Avant la fermeture administrative fin 2022, on était complets tous les soirs. On tient la barre depuis 25 ans et on va continuer (rires)

Retrouvez toutes les informations sur l’événement des 25 ans du Glazart ici.