Par quel bout raconter la fin d’une histoire ?
Cela fait une semaine que le festival est terminé et cette impression de flotter, un peu candide, qui s’empare de nous quand un bon moment arrive à son terme est encore bien présente. Il faut dire que c’est « normalement » là le propre de l’expérience festivalière. De nous extraire temporairement de l’organisation routinière de nos vies pour vivre une expérience « à vif », individuelle, collective, nous engageant pleinement dans l’ « ici et maintenant ».
Là où certains ont vu leurs événements se mercantiliser à outrance – reproduisant parfois à l’identique les travers d’une société que le festivalier même cherche à « fuir » – d’autres, à l’instar du HORST, sont parvenus à trouver un juste milieu, insufflant au passage une vision rafraichissante de ce que peut « être » un festival. Ce dernier ayant pris le parti de corréler un éventail de musique finement sélectionnée aux arts visuels et architecturaux, « in-situ », au domicile d’un vieux château.

© MAXIM

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Il y avait au HORST une profondeur conceptuelle rare, si ce n’est unique pour un festival de ce genre, une solide réflexion artistique portant sur les espaces, les matières, les lumières, l’environnement alentour… Dans un décor naturel d’ores et déjà enchanteur cela donnait au festival une touche poétique, romanesque précieuse.
À l’instar de cette scène à l’allure d’armature de bateau conçue par les japonais de l’Atelier Bow-Wow, la Lakeside Dancers Club, inspirée par l’Arche de Noé et les Voyages de Gulliver. Une scène logée au pied du lac que les festivaliers habitent : on y grimpe pour faire une pause et contempler la masse des danseurs en mouvement aux antipodes du château immobile qui la surplombe. Que dire également de la Forest Floor, une seconde scène imaginée par le collectif 019, mise en lumière par Children of the Light : un espace intimiste sur deux niveaux fait de métal, de toile et de bois, enveloppé de grands arbres et rendu accessible par des couloirs d’échafaudages éclairés à la lanterne. À d’autres endroits du site, on observe des aurores boréales de fumée rouges et bleues dans le ciel, on joue des projecteurs pour faire danser son ombre sur les murs des bâtisses ou on se réchauffe simplement à la chaleur des braseros.
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Au cours de son histoire, la programmation du HORST s’est naturellement bonifiée. Le festival, grâce à sa communauté grandissante, a pu s’affranchir des têtes d’affiches les plus « vendeuses » au profit d’artistes moins établis, favorisant les niches musicales les plus versatiles aux côtés de DJs internationalement salués. Amoureux de musique, j’ai toujours été saisi par la propension des artistes à y jouer des sets très généreux. Au fil des ans, le public s’est progressivement décomplexé jusqu’à se prendre totalement au jeu, occasionnant parfois des scènes et des échanges mémorables.
Cette année encore je garde d’excellents souvenirs des pistes de danse. Raphael-Top-Secret fût impeccable dans son rôle de marabout des platines, Mafalda rayonnante avec sa sélection de morceaux 80’s passionnés, intemporels et ses sourires à faire fondre un rocher. Les sets amphétaminesques de DMX Krew et Avalon Emerson ont affolé nos palpitants là où DJ Fett Burger nous a arrosés d’hymnes House-Disco « feel-good » avec un peak d’euphorie palpable sur « Everybody Dance » de Chic.
Mais c’est un jeune DJ de Louvain, Toon Roebben aka Bjeor, qui m’aura laissé pantois. Son dernier set au HORST (festival dont on le sait proche) fût d’une grande authenticité, avec une vibe et une maîtrise technique largement à la hauteur des headliners qui l’ont suivi. A base d’electro detroit-esque obscur et missile rave 90’s made in R&S, de pagaille et frisson sur le fédérateur titre happy-house « Gotta Let You Go », d’une flopée de sourires et déhanchés furieux sur un Vocal Mix de Louis Benedetti…
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Au-delà de l’art et de la musique, la grande qualité du HORST résidait en outre dans l’obstination des organisateurs à garder le festival fluide et respirable sur le site comme sur son camping. Et quel camping. Campeurs et campeuses d’Angleterre, de France, de Suède, d’Espagne ou même du Brésil… nos hôtes nous accueillaient tous les matins par leur célèbre brunch fait de viennoiseries, d’œufs brouillés, de salades de pâtes fraiches, de yaourt-muesli chocolat-fruits rouges… Une pause salvatrice, toujours très comique, sur fond de musique douce diffusée sur la Final Stage. Une scène du festival que l’on s’accaparait tous les soirs pour des afters à 200 complètement invraisemblables, sonorisés à l’enceinte portative.
Mais toute bonne chose à une fin. Et celle du HORST ne manque pas de noblesse. Par affection pour le château vieillissant et la nature protégée d’un site qui leur a tant donné, les organisateurs ont pris la (difficile) décision de faire de cette cinquième édition leur dernière.
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Dimanche soir, pendant l’ultime morceau de Motor City Drum Ensemble, une ballade aux paroles chargées de sens, des cierges magiques s’élèvent par dizaine dans la foule, crépitant, sous une constellation d’ampoule… Dans ce dernier moment de liesse, on a comme écouté Apollinaire et « rallumé les étoiles ».
Merci le HORST, pour ces quatre années de premières fois et tous ces instants de bonheur.

© Jeroenverrecht