Victimes d’une pénurie de matières premières, les chaines de production de vinyles sont prises d’assaut par les majors au détriment des labels indépendants. La FÉLIN et le SMA montent au créneau tandis que l’usine Green Vinyl Records redessine les contours d’une industrie restée inchangée depuis 40 ans.
« Pas de disques des labels indépendants sous le sapin cette année » titrait le mois dernier la Fédération Nationale des Labels et Distributeurs Indépendants (FÉLIN) et le Syndicat des Musiques Actuelles (SMA). L’image est forte et tristement révélatrice de la situation dans laquelle se trouve l’industrie du vinyle.
Dans un communiqué datant du 18 novembre dernier, les deux associations mettent l’accent sur la pénurie de matière première et sur le monopole des majors quant à l’accès aux chaines de production des usines de pressage. « L’origine de cette pénurie découle de la baisse de la production de pétrole due à la pandémie conjuguée à une importante pression économique des industriels (automobile en premier lieu). Les répercussions se font déjà sentir dans le secteur de la musique enregistrée : rallongement général des délais de fabrication, hausse des prix du disque, moins de déclinaisons possibles… » développe la FÉLIN dans un article paru en mai dernier.
Chargé de mission à la FÉLIN, Jean-Baptiste Le Friant précise que les polymères ne sont pas les seuls composants à manquer. Le papier, utilisé pour la pochette des disques, souffre aussi d’un manque d’approvisionnement et impacte l’industrie du livre et du disque.
David contre Goliath
Dans cet immense tohu-bohu, où chacun essaie de tirer son épingle du jeu, les labels indépendants sont au bout de la chaine alimentaire (et de production). Inévitablement doublé par les grosses maisons de disques qui font face à une demande croissante, les 1 500 labels indépendants français n’ont d’autre choix que de faire une croix sur l’idée d’exister à Noël. « Les usines pressent en priorité les grosses références. C’est plus simple et plus intéressant de faire des gros tirages. Elles préfèrent presser une commande de 10 000 copies plutôt que 1 000 commandes de 300 copies parce qu’il n’y a pas besoin de changer 7 fois dans la journée les stampers et de recalibrer la machine » déplore Jean-Baptiste.
Si le cadre privé des usines de pressage empêche toute intervention légale, le SMA et la FÉLIN militent tout de même pour un développement des chaines de productions « dédiées exclusivement aux indépendants via de la mutualisation ». Judaah, boss du label BFDM (Brothers From Different Mothers), prêche pour : « J’y ai déjà pensé mais c’est un job qui demande du savoir-faire et de grosses compétences. Malheureusement, comme les majors encombrent toutes les chaines de productions, c’est un peu le dernier espoir qu’il nous reste. »
Affligés, les deux fondateurs du label Promesses commentent : « Les labels indépendants ont fait tourner les usines pendant des années et aujourd’hui ils passent après tout le monde… ». Pressé en France par MPO, l’usine leader du marché, le prochain vinyle apposé Promesses, initialement prévue pour le mois dernier, verra le jour en février 2022. Pour contrer ces délais « à rallonge », le label parisien adapte son calendrier et sort ses nouveautés en format cassette. BFDM a lui aussi révisé sa fréquence de sortie : « Avant on sortait une release vinyle tous les 3 mois, maintenant c’est deux par an ».
Green Vinyl Records, la révolution verte
Dans la ville hollandaise de Bladel, à la frontière belge, une usine pas comme les autres fait bouger les lignes. Berceau du projet Green Vinyl Records (GVR), l’usine de pressage Replifact Media BV fait la part belle aux labels indépendants et à l’environnement.
Bien que Green Vinyl Records travaille aussi bien avec des majors que des artistes et labels indés, ici c’est premier arrivé premier servi ! En d’autres termes, le collectif de huit entreprises se refuse de prioriser un client par rapport à un autre en fonction de la quantité pré-commandée.

Lorsqu’on demande à Jacqueline Schlappi, propriétaire de Replifact Media BV, si Green Vinyl Records représente le modèle de demain, elle s’exclame : « Absolument ! ». Et pour cause, son usine rebat les cartes d’un procédé de fabrication resté inchangé depuis 40 ans. Aux oubliettes le pressage, GVR moule ses vinyles par injection en plastique à 100% recyclable. La pochette des disques estampillés Green Vinyl Records est faite de carton recyclé et d’encre à base d’eau pour un produit fini éco-responsable jusqu’à son emballage. « Nous créons un processus de fabrication plus propre et avons un impact moindre sur l’environnement et la santé » déclare Jacqueline Schlappi avant d’évoquer des économies d’énergie allant « de 60 à 90% » par rapport à une usine traditionnelle.
Plus écologique, durable et équitable, Green Vinyl Records a tout pour plaire à l’industrie d’aujourd’hui et de demain, avec la certitude de ne plus jamais laisser personne de côté.