Photo à la une © Mathieu Le Gall
Début juillet, Astropolis fêtait ses 25 ans d’existence à Brest. Précurseur en son genre, ce festival symbolise parfaitement la passion de toute une région pour les musiques électroniques, toutes générations confondues. Avec une programmation entre disco et hardcore, jeunes talents et légendes, on ne pouvait s’attendre qu’à une édition une fois de plus renversante. Renaud et Simon, deux bretons habitués du festival, racontent cette édition (très) spéciale.
Coquilles Saint-Jacques et techno : présentation du projet SONARS
Arrivés le vendredi midi à Brest par ce même TER qu’on prend chaque été depuis maintenant dix ans, on mange notre première galette du week-end, cliché oblige.
Promenade sur le port avant d’aller découvrir les Ateliers des Capucins. On y retrouve Maxime Dangles et François Joncour pour une conférence de presse improvisée sur le projet SONARS, en présence de Delphine Mathias, membre du laboratoire BeBest et de Gwenn Potard, directeur de la Carene.
Les quatre intervenants nous présentent donc cette résidence au long cours, née de la volonté de lier musiciens et chercheurs autour des paysages sonores marins. Les artistes ont justement présenté quelques semaines auparavant un dôme immersif de 13 mètres qui accueille leurs créations lors de l’inauguration de l’exposition Arctic Blues aux Capucins.
Difficile de résumer leur année de travail en quelques lignes, mais n’hésitez pas à vous rendre sur la chaîne Youtube de la Carène pour en savoir plus. Des expositions et une apparition au festival Scopitone sont prévues, un album est en préparation, et qui sait, pourquoi pas une expédition. Affaire à suivre donc…
Arnaud Rebotini, Max Cooper et Kap Bambino inaugurent le manoir de Keroual
Chose inhabituelle, Astropolis ouvre les portes du manoir de Keroual dès le vendredi soir et non le samedi. L’occasion d’assister à des performances en live uniquement. Seule une partie du site est ouverte pour concentrer le public autour d’une unique scène. Public d’ailleurs très différent de celui du samedi soir, bien plus familial.
Après un warm up assuré par l’équipe de Radio Nova, Arnaud Rebotini et le Don Van Club investissent la scène. Composé de 7 musiciens et du monsieur à la moustache légendaire, la troupe joue la bande originale du film 120 battements par minute. Un film récompensé racontant la vie de l’association Act Up Paris qui lutta (et continue de lutter) pour que la menace du VIH soit prise au sérieux par la population mais surtout par le gouvernement français dans les années 90. Un film touchant et engagé sur fond de house mélodieuse, parfois mélancolique mais aussi dansante.
Le public est conquis, voire un poil ému. Particulièrement quand ils jouent leur remix de Small Town Boy, un classique anglais sur le thème de l’homosexualité qui a marqué les années 80 .

Ensuite, place à Max Cooper et son live audiovisuel. Inspiré par des univers scientifiques comme la génétique, l’électronique ou l’astronomie, Max Cooper offre des images variées. Souvent abstraites, parfois figuratives. Le résultat est captivant, collant parfaitement à sa musique qui passe par beaucoup d’états différents. Il y a beaucoup de travail derrière et ça se sent.
Pour terminer cette soirée au manoir, c’est le retour sur scène de Kap Bambino. Absents depuis quelques années, on doit avouer qu’on avait été bien surpris de les voir sur la programmation. Surpris mais loins d’être déçus. Dans la lignée des Crystal Castles ou des Sexy Sushi, Kap Bambino évoque forcément un sentiment de nostalgie. Leur musique n’a pas changé : inspirations électro, rock, synthpop… le tout avec une débauche d’énergie qui n’est pas sans rappeler les Skins Party de l’époque (référence réservée à ceux nés au début des années 90).

La dernière part de pizza à peine avalée, et tout contents d’avoir foulé le sol de Keroual, moment attendu tous les ans avec impatience, on se dirige maintenant vers le port de Brest.
Début des hostilités sur le port avec Kobosil, I.F, Jensen Interceptor, Anthony Linell et les gagnants du concours tremplin
On entre dans la Suite juste à temps pour le début de Jensen Interceptor, en voilà un qui porte bien son nom, les beats que crache son moteur V8 le rendent inarrêtable pour notre plus grand plaisir et la salle est déjà en ébullition à notre arrivée.
Pour les 25 ans du festival, le club ouvrait ses deux salles, on est donc allé croquer un morceau des 3h de set d’I.F qui nous a bien fait valser avant de retourner dans la salle principale découvrir Kobosil le démoniaque. Le moins qu’on puisse dire de lui c’est qu’il ne fait pas dans la dentelle, on sort de là en rampant sous les basses pour reprendre notre souffle dans le grand espace extérieur aménagé pour l’occasion.

On y croise Leissen et Lennybar qui ont fait l’ouverture du club trois heures auparavant, on essaye d’avoir leurs impressions mais on en tirera que des conneries difficiles à intégrer dans un report. Tant pis on retrouve un autre expert du genre, Somoine, qui improvisera un back to back à la fin du set de Swing Loww pour clôturer la seconde salle. On terminera la soirée devant Anthony Linell, aussi connu sous le nom d’Abdulla Rashim, et dont le set sans accroc nous conforte dans l’idée que ces 25 ans vont décidément être une sacrée édition.
Mix’n’boules, open air et immersion dans l’univers du collectif OND, une journée dans Brest avant le grand soir
La soirée de la veille se fait un peu sentir mais il en faudra plus pour nous achever. À la Passerelle, centre d’art contemporain, on prend les mêmes que l’an dernier, le collectif OND, et on recommence. Entre les branches de la forêt intérieure élaborée par le collectif, on aperçoit Staðleysu du collectif NVNA se produire en live sur un sol recouvert de tapis. Ambiance mystique. Des transats sont disposés autour de lui pour apprécier le voyage (et recharger les batteries).

Dans la petite salle plongée dans le noir à l’entrée du bâtiment, OND nous présente son nouveau projet réalisé avec le collectif Node. Un annuaire interactif des différentes manifestations culturelles en Bretagne, mais qui a pour objectif de s’étendre à la France entière et à l’étranger au fil du temps. La sortie du site est prévue pour la rentrée (pour la vidéo de présentation projetée pendant le festival, c’est ici ).
Deux rues plus loin on retrouve le Mix’N’Boules, le traditionnel concours de pétanque confié cette année à Comme ça et Radio Lune. La compétition fait rage et les DJ des deux collectifs s’enchaînent en ne laissant aucun répit aux danseurs. On rencontre les potes de la veille qui n’ont pas encore dormi et qui s’adaptent étrangement bien à cette kermesse.

La descente vers l’open air de Beau Rivage continue, c’est l’occasion de passer au Vauban où a lieu la Kemperle Communauteuf, association de trois collectifs Quimperlois, à savoir Echap, Motif et Numéro Cent Six. On en profite pour prendre le soleil square Alphonse Juin, investit cette année par les Nantais d’Abstrack.
Dernière étape de cette journée du samedi, Beau Rivage. Un spot en extérieur dans le centre de ville de Brest qui donne une vue imprenable sur la rade de Brest. Chaque année, c’est l’open air qui réunit le plus de monde à Brest pour le weekend d’Astropolis. On arrive tout pile pour le set de Roza Terenzi, tête d’affiche de cet open air organisé avec le collectif montréalais de Piknic Electronik. Grosse chaleur. Autant sur le dancefloor que sur le thermostat. Tandis que beaucoup recherchent les rares coins d’ombre, les autres, nous compris, apprécient le set coloré de la canadienne. Idéal pour ouvrir l’appétit de la fête avant le grand soir.

Aussitôt le set terminé, passage obligé par l’appartement pour se faire une petite fraîcheur et prendre l’apéro avant d’attaquer le périple vers le manoir de Keroual.
Samedi soir à Keroual, Astropolis ouvre la porte des étoiles
23h00 : La soirée commence par l’habituel zonage pour s’approprier le site. Comme d’habitude, l’atmosphère est féerique. La fête se déroule dans un bois où se trouve un vieux manoir. Des illuminations habillent les arbres. Des coins chills sont aménagés un peu partout. Bars et toilettes quadrillent méthodiquement le site. On s’y sent très vite comme chez soi.
On est venu assez tôt pour profiter des derniers rayons de soleil sur la forêt, et accessoirement gagner de magnifiques parures au chamboule-tout à la géniale Station service. Discussion avec l’équipe de l’association Consentis, qui interviennent sur les événements pour sensibiliser pour parler savoir-être dans les milieux festifs (et en plus leurs stickers sont géniaux).
00h : Après une discussion engagée sur qui aller voir ce soir, on fait un saut à la Cour pour voir Kiddy Smile. Et on a pris une belle claque. Un set house aussi imposant que sa carrure. Au passage, on souligne la scénographie incroyable mise en place cette année pour cette scène. Le spectacle est sonore autant que visuel.
00h45 : Dans la foulée, Skee Mask joue sous un des 3 chapiteaux. Prodige propulsé par Boys Noize dès son plus jeune âge sous l’alias SCNTST, le producteur et DJ allemand est aujourd’hui à son apogée. Techno, breakbeat, jungle, électro, dubstep, r’n’b, il nous a tout fait. Un set tout droit venu du futur. Le public était parfois perplexe. On n’était loin d’un set au beat régulier facile à danser. Mais la performance n’en reste pas moins unique et très technique. Un véritable OVNI. A se demander si la zone 51 n’a pas laissé s’échapper quelques uns de ses occupants.

2h00 : Hors de question de louper le set de Somniac One, figure montante du hardcore en Europe. On fonce sur la scène Mekanik où elle nous rentre direct dans le lard et met les choses au clair d’entrée avec un track des plus brutal. S’en suit un moment de pur bonheur pendant lequel la lituanienne prouve une fois encore qu’elle est le présent, mais aussi le futur de cette scène hardcore.
2h35 : On quitte le chapiteau non sans peine pour enchaîner avec Jeff Mills et Mad Mike qui reforment leur duo X-102 spécialement pour les 25 ans d’Astropolis (encore des évadés de la zone 51). Enfin, “arrivent”, on le suppose seulement, car un grand voile tombe sur la scène et le booth, empêchant de voir les deux légendes. Des visuels de planètes apparaissent. Le voyage commence. La foule s’est bien étoffée sous le chapiteau où ils se produisent. Normal pour LA performance tant attendue de la soirée. Attendue car historique et symbolique, Jeff Mills étant ce qu’il est, évidemment, mais aussi car il a participé aux toutes premières éditions du festival. Visuels astraux, techno interstellaire, on force un peu sur le champ lexical mais on pourrait clairement être en train d’écouter une bande originale alternative du film Blade Runner.

3h00 : On s’éloigne avec difficulté de nos deux compères d’Underground Resistance. Après une pinte d’Astrococktail au bar (le meilleur ratio alcool/soft possible tous festivals confondus), un sms plus tôt nous annonce que Call Super casse tout à La Cour. Et on nous a pas menti. A l’image d’un Skee Mask, on retrouve une technique incroyable et une sélection parfaite. House, techno, breakbeat, les frontières entre les différents genres étaient difficiles à percevoir. Call Super a une personnalité musicale vraiment unique. Si vous en avez l’occasion un jour, foncez le voir.
4h00 : Inimaginable ensuite de louper le set de Paula Temple, l’anglaise est ravie d’être là, ça s’entend, ça se sent, tout le monde est ravi. On a rien de plus à dire quand on se retrouve devant un set techno d’une telle qualité.
05h30 : Retour à la scène hardcore où Manu le Malin, qu’on ne présente plus, entame son set. Pas assez hardcore à notre goût, justement. Qu’à cela ne tienne, puisque Elisa Do Brasil, la reine de la drum’n’bass vient clôturer la scène aux côtés de J Majik, au top comme chaque année depuis maintenant 20 ans. Votez Elisa.
7h00 : Astropolis se termine souvent à La Cour. Cette année, l’honneur de clôturer cette scène revient à Denis Sulta. Le britannique est une bête de scène. Hyperactif, et facilement reconnaissable à sa chevelure peroxydée. Nos avis à tous les deux sont très mitigés sur son set. L’un a trouvé le set un peu facile et pas forcément adapté à l’horaire et à la scène. L’autre a apprécié l’atmosphère joyeuse distillée par le phénomène, et notamment le b2b improvisé avec Blutch, membre de la famille Astropolis. Mention spéciale au fumigène craqué en plein set dans le public. Ici c’est Astro.

Dimanche, après un réveil compliqué, c’est la mort dans l’âme qu’on monte dans le train pour voir s’éloigner Brest au coucher du soleil. En jalousant les petits veinards qui assisteront dans quelques heures au traditionnel after au Vauban, on repense à ces 25 ans, à ces moments d’exception vécus à Brest depuis dix ans pour nous, et bien plus pour certains. On réalise que comme chaque année on se croyait rodés pour cette édition et qu’on s’est encore pris claque monumentale. Et ce qui était un crève-coeur se transforme en sourire, parce qu’on pense déjà à l’année prochaine…
Et pas que ! On pense aussi à Fortress en septembre, Astropolis Hiver en février, la Spring en mai et tout le reste. Allez, joyeux quart de siècle Astro, vous le méritez !